Neymar en larmes après la rencontre face au Costa Rica, vendredi 22 juin. / ANDRÉ PENNER / AP

Ça aurait dû être une promenade de santé, ce fut un long chemin de croix. Pour son deuxième match de poule dans le Mondial 2018, vendredi 22 juin face au Costa Rica, le Brésil a souffert, jouant avec ses propres nerfs avant la délivrance, venue de deux buts inscrits dans les derniers instants (91e et 97e minutes) par Philippe Coutinho et Neymar. Après un simple match de poule, le sélectionneur brésilien Tite, cheveux gris et costume cravate, s’est roulé dans l’herbe dans un accès de joie fébrile ; Neymar a pleuré à genoux au milieu du terrain, de longues minutes.

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Après sa contre-performance contre la Suisse lors de son entrée dans la compétition (1-1), l’enjeu était immense pour la Seleçao. Elle a été capable de fulgurances ravageuses comme de phases de fébrilité extrême. De toute évidence, le traumatisme de 2014 – la défaite 7-1 face à l’Allemagne en demi-finale de son Mondial –, n’a pas encore complètement disparu. La moindre difficulté semble mettre les nerfs de la sélection brésilienne à vif, et les mésaventures vécues par les autres favoris du tournoi, le voisin argentin en tête, ont fait disparaître toutes les certitudes.

« Il y a une dimension très émotionnelle, a admis Tite en résumant la rencontre. Nous n’avons pas cédé au désespoir. »

Plus qu’aucun autre, Neymar a incarné vendredi à Saint-Pétersbourg l’inconstance et la nervosité de son équipe, autant que son génie. Superstar de son effectif, l’attaquant du Paris-Saint-Germain se sait l’objet de toutes les attentions. Sa blessure à la cheville, en février avec son club, le Paris-Saint-Germain, a plongé le Brésil en apoplexie. Et sa légère rechute à l’entraînement, il y a trois jours, lui a fait frôler l’infarctus. Autant dire que le joueur aux cheveux peroxydés avait à cœur de se montrer. Il a été omniprésent. Pour le meilleur et pour le pire.

Ligne Maginot

Le meilleur, ce fut une fin de match débridée, des débordements incessants dans son couloir gauche, des gestes techniques – coup du sombrero, roulette… – plein de gourmandise, un déchet inférieur au match contre la Suisse (44 passes réussies sur 49,3 dribbles réussis sur 6 tentés), une complémentarité parfaite avec son arrière Marcelo… Et pour finir, un but malin sur un service parfait de Douglas Costa.

Au bon moment, au bon endroit. / LEE SMITH / REUTERS

Le pire, ce fut sa maladresse face au but en deuxième période, au plus fort de la domination brésilienne, butant toutefois sur une défense aux allures de ligne Maginot. Les rares fois où les attaquants brésiliens ont réussi à percer le rideau défensif des Costaricains, ce fut pour buter sur un Keylor Navas, impérial. Les minutes passant, le calme du gardien et capitaine des Ticos contrastait de plus en plus avec l’impatience et la nervosité de Neymar.

Car c’est aussi par sa fébrilité que l’attaquant s’est illustré. Déjà guère connu pour son flegme, celui-ci a multiplié les coups de sang. Meneur d’hommes et de jeu capable de motiver son équipe ou gamin capricieux ? Le Brésilien a plus souvent ressemblé au second.

Simulation et carton jaune

On l’a vu, à la mi-temps, attendre le trio arbitral dans les travées du stade, l’œil mauvais ; on l’a vu, grossière simulation à l’appui, réclamer un penalty inexistant à la 79e minute ; accordé dans un premier temps, le penalty a finalement été refusé après un arbitrage vidéo, et on l’a alors vu s’exaspérer et envoyer valser le ballon, récoltant ainsi un carton jaune. On l’a aussi vu copieusement insulter (« fils de p… ») un adversaire. Et on l’a vu, donc, finir en larmes un match qui aurait pu ne pas devenir si angoissant.

« Il y a une chose que je peux dire, c’est que la joie, la responsabilité et la pression de jouer pour le Brésil, c’est fort, et il a le courage de le montrer, l’a défendu Tite, avec qui Neymar s’entend parfaitement. Il est humain et il a besoin de temps pour revenir à son meilleur niveau. Bien sûr qu’il va retrouver son meilleur niveau, sans aucun doute. »

Outre trois points vitaux – un deuxième match nul aurait mis le Brésil dans l’obligation de battre la Serbie –, cette rencontre face au Costa Rica laisse le Brésil avec de nombreuses interrogations. La pression que se met en grande partie elle-même la Seleçao peut être un précieux stimulant – à l’instar de la Russie, auteure de débuts en fanfare –, comme elle peut paralyser les meilleurs joueurs et les meilleures intentions. La hargne montrée par son attaquant peut donner un supplément d’âme aux Auriverde comme finir par les déstabiliser.

La réponse est sans doute une question d’équilibre : vendredi, l’équipe brésilienne a eu l’intelligence de ne pas s’en remettre à Neymar, de jouer avec lui plutôt que pour lui. A lui désormais de montrer plus de sérénité et de confiance. Le jeune homme – il n’a que 26 ans – peut se rassurer en se disant qu’il est déjà rentré dans l’histoire de la Coupe du monde, en inscrivant, en Russie, le but le plus tardif jamais inscrit dans le tournoi.