Où est Mohamed Ould Cheikh Mkheitir ? Le blogueur mauritanien condamné à mort en 2014 pour apostasie devrait être libre de ses mouvements depuis que sa peine a été ramenée, en novembre 2017, à deux ans de prison par la Cour suprême de Nouadhibou. Sauf que Mohamed Ould Cheikh Mkheitir n’est plus apparu en public depuis le verdict. Ses avocats, qui ne peuvent lui rendre visite, pas plus que sa famille, parlent de « séquestration » et s’inquiètent de son état de santé.

Mohamed Ould Cheikh Mkheitir, âgé d’une trentaine d’années, est détenu depuis janvier 2014. Peu de temps après avoir publié un article sur Internet jugé blasphématoire envers le prophète Mahomet. Son repentir n’avait pas été suffisant pour calmer la colère de certains groupes musulmans radicaux du pays.

Sous la pression de la rue, il avait été condamné à mort le 24 décembre 2014 par la cour criminelle de Nouadhibou, sa ville de résidence, dans l’ouest de la Mauritanie. La réduction de sa peine avait de nouveau enflammé une partie de la population qui continue de demander son exécution, plaçant les autorités politiques mauritaniennes dans l’embarras.

« Le peuple a voulu qu’il en soit ainsi »

Sous le poids de cette opinion publique de plus en plus bruyante – le parti islamiste Tawassoul est la principale force d’opposition –, le gouvernement a fait passer un projet de loi durcissant la législation contre les auteurs d’apostasie et de blasphèmes, désormais passibles de la peine de mort, sans plus tenir compte d’un éventuel repentir. Dans un récent entretien avec l’hebdomadaire Jeune Afrique, le chef de l’Etat Mohamed Ould Abdel Aziz expliquait que « le peuple a voulu qu’il en soit ainsi, et les lois sont l’émanation du peuple. » « Il y a eu beaucoup de manifestations, je dirais même que 90 % de la ville de Nouakchott est descendue dans la rue pour se faire justice. Nous avons répondu à cette demande populaire », ajoutait-il.

Le sort de Mohamed Ould Cheikh Mkheitir – hospitalisé depuis quelques jours selon une bonne source – s’inscrit dans ce contexte de tension au sein de la République islamique de Mauritanie. Le parquet a ainsi demandé la cassation du jugement de la cour d’appel de Nouadhibou. En attendant la décision de la Cour suprême, le blogueur « est en détention administrative », a expliqué récemment le commissaire adjoint aux droits de l’homme mauritaniens, Rassoul Ould El-Khal. Selon Mohamed Moïne, l’un de ses avocats, « cette décision viole la loi car le recours n’est pas suspensif ». En d’autres termes, il devrait être libéré en attendant la décision des juges suprêmes.

Pour Aminetou Mint El-Moktar, défenseuse des droits humains et présidente de l’Association des femmes chefs de famille, « le régime du président Aziz laisse agir en toute impunité les tenants d’un extrémisme religieux qui contribuent à saper les valeurs démocratiques du pays ». « En plus de fermer les yeux sur les dérives islamistes, les autorités soutiennent l’application d’une interprétation très stricte de la charia », ajoute-t-elle.