C’est une nouvelle qui alarme l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). La production mondiale de cocaïne, essentiellement en provenance de Colombie, et celle d’opium, principalement d’Afghanistan, a explosé pour atteindre son plus haut niveau historique en 2016-2017, selon l’agence onusienne qui publie son rapport annuel, mardi 26 juin.

Elle s’inquiète aussi de voir les médicaments antidouleur à base d’opiacés, détournés à usage de drogue, devenir « une menace majeure pour la santé publique mondiale », en Amérique du Nord mais aussi en Afrique.

La production mondiale d’opium a bondi de 65 % de 2016 à 2017, à 10 500 tonnes, chiffre « le plus élevé » depuis les premières estimations de l’ONUDC au début des années 2000. L’Afghanistan se taille la part du lion avec une production de 9 000 tonnes, soit 87 % de plus qu’en 2016.

Les surfaces de culture de pavot à opium ont progressé de 37 % au niveau mondial entre 2016 et 2017, atteignant 420 000 hectares, dont plus des trois quarts se trouvent en Afghanistan, où cette manne contribue à financer l’insurrection qui déstabilise le pays.

En Afghanistan, cette évolution est à mettre sur le compte de l’instabilité politique, du manque de contrôle par les autorités, du manque de perspectives en termes d’emploi et d’éducation, et des hausses du rendement agricole, selon ce rapport de l’agence onusienne qui a son siège à Vienne.

Un défi pour l’accord de paix en Colombie

La fabrication mondiale de cocaïne en 2016 « a atteint son niveau le plus élevé » : 1 410 tonnes, soit 25 % de plus qu’en 2015. En Colombie, premier producteur mondial, la hausse de la production a été de plus d’un tiers entre 2015 et 2016, à 866 tonnes.

La culture de feuille de coca, ingrédient de base de la cocaïne, couvre 213 000 hectares au niveau mondial dont 69 % se trouvent en Colombie. Il s’agit d’« un défi à la mise en œuvre de l’accord de paix » avec l’ex-guérilla des FARC, impliquée dans le trafic de drogue, souligne l’ONUDC.

Conséquence : une hausse, déjà perceptible, de l’offre sur les marchés traditionnels de consommation en Amérique du Nord et en Europe occidentale ainsi que la création prévisible de nouveaux marchés ciblant notamment « la classe moyenne en expansion des grandes économies d’Asie ».

Les médicaments antidouleur à base d’opiacés, détournés à usage de drogue, sont désormais « une menace majeure pour la santé publique mondiale », avertit l’ONUDC. L’ensemble des opiacés représente 76 % des morts liées à la consommation de stupéfiants.

Née d’une surprescription médicale de ces molécules, la crise des opiacés qui ravage les Etats-Unis depuis quelques années ne montre pas de signe d’apaisement. En 2016, 63 632 personnes sont mortes d’une surdose de drogue aux Etats-Unis, un record et une augmentation de 21 % par rapport à l’année précédente.

Le fléau des « drogues sur ordonnance »

Les dégâts de ces « drogues sur ordonnance » ont également contribué à la diminution de l’espérance de vie enregistrée aux Etats-Unis en 2015 et 2016, une première. L’Europe reste pour l’instant globalement épargnée par ce phénomène.

Alors que le fentanyl, un opioïde synthétique 50 fois plus puissant que l’héroïne, constitue le principal opiacé sur ordonnance des marchés américain et canadien, l’ONUDC s’inquiète de « l’expansion rapide » en Afrique de la consommation et du trafic de tramadol, un puissant antalgique.

Si le tramadol est encore essentiellement perçu comme une molécule aux usages récréatifs prisée par les jeunes Africains, l’agence appelle à se saisir de cette menace qui « met une pression supplémentaire sur les systèmes de santé déjà fragiles » des pays en développement concernés. L’Afrique a concentré en 2016 87 % des saisies mondiales d’opiacés pharmaceutiques, notamment en raison de l’essor du tramadol.

L’ONUDC relève la fréquence de la consommation de drogue chez les plus de 50 ans, émettant l’hypothèse que parmi les « baby-boomers » ayant goûté aux stupéfiants dans leur jeunesse, une partie n’a pas abandonné ces addictions.

En Europe, les morts par surdose ont ainsi augmenté chez les plus de 40 ans entre 2006 et 2013 alors qu’elles baissaient chez les moins de 40 ans. Au niveau mondial, les plus de 50 ans, qui comptaient pour 27 % des morts liées à la drogue en 2000, représentaient 39 % du total en 2015.