Le nouveau palais des congrès de Nouakchott, encore en construction à la mi-juin 2018. / Olivier Piot

Inauguration d’un nouveau palais des congrès, trottoirs et « goudrons » refaits à neuf, lampadaires équipés de panneaux solaires, réhabilitation d’hôtels en centre-ville, déploiement d’un imposant dispositif de sécurité… Nouakchott, la capitale mauritanienne, a mis les bouchées doubles pour accueillir dans les temps les délégations et les chefs d’Etat attendus du 25 juin au 2 juillet pour le 31e sommet de l’Union africaine (UA).

« Sans les travaux déjà réalisés pour le dernier sommet de la Ligue arabe il y a deux ans, jamais la capitale n’aurait pu être prête pour ce nouveau rendez-vous international », lâche Amadou, chauffeur d’une société de taxis dont quatre véhicules ont été mobilisés pour l’occasion par la présidence. L’aéroport international Oumtounsy, inauguré en 2016, comme les trente-cinq kilomètres d’asphalte qui le relient au centre-ville, en sont le parfait exemple.

Un budget de 34 millions d’euros

A l’époque toutefois, des critiques avaient fusé, notamment sur les faibles capacités d’accueil – 450 places – du nouveau Centre international de conférence de Nouakchott (CICN). Faute de place, une immense tente avait dû être importée en urgence de Russie pour être installée près du bâtiment, et des villas privées furent louées à prix d’or pour loger certaines délégations.

Cet échec n’a pas empêché le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, en vertu de l’article 6 de l’Acte constitutif de l’Union africaine, de poser la candidature de la Mauritanie pour l’organisation de cette session d’été des sommets de l’UA. Et d’obtenir l’accord de la majorité des deux tiers des 55 Etats membres…

Mais après avoir subi l’affront de ces défauts d’organisation en 2016, le chef de l’Etat semble avoir cette fois décidé de verrouiller les questions logistiques. Sollicitée, la Chine a notamment mis à disposition du protocole mauritanien trente véhicules ainsi qu’un lot d’équipements bureautiques.

Côté infrastructures, la présidence mauritanienne a vu grand. Au nord de la capitale, à mi-distance entre l’aéroport et le centre-ville, un imposant palais des congrès est tout juste sorti de terre. Débuté à l’automne, le chantier a été achevé quelques jours seulement avant l’ouverture du sommet. Le bâtiment flambant neuf offre une gigantesque salle de conférence de 4 500 places et près de 300 bureaux et espaces privés permettent d’accueillir 60 délégations de six personnes chacune. Coût total de l’opération ? Les journaux mauritaniens parlent d’un budget d’environ 14 milliards d’ouguiyas (34 millions d’euros).

Une dépense exorbitante pour un pays classé 157e sur 185 pays par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dans son rapport 2016, et dont la colossale dette publique, qui s’élève à 99 % du PIB en 2016, vient d’être épinglée par la Banque mondiale dans son rapport de février 2018.

En septembre 2017, au prétexte d’une « mesure d’urgence », ce chantier gigantesque avait été accordé sans appel d’offres à l’entreprise mauritanienne BIS-TP, dirigée par Zeine El-Abidine Ould Mohamed Mahmoud, un proche du président. En quelques années, cet ancien patron d’une modeste buvette de Radio Mauritanie est devenu propriétaire d’une société d’équipements informatiques (CDI), entrepreneur dans les travaux publics et le génie civil (BIS-TP) avec de très nombreux chantiers dans le pays, directeur de la nouvelle Banque mauritanienne de l’investissement (BMI), avant d’être parachuté, fin 2017, à la tête du patronat mauritanien, l’Union nationale des employeurs de Mauritanie (UNEM).

Réquisitions

Pour le logement des délégations, la construction d’un vaste complexe de deux nouveaux hôtels quatre et cinq étoiles a bien débuté fin 2017 en bord de mer, entre le palais des congrès et la ville. Financé par l’homme d’affaires qatari Ghanem Al-Houdeyvi, le luxueux projet n’a toutefois pas été achevé dans les temps pour le sommet. Les 180 chambres des trois hôtels quatre étoiles du centre-ville ont donc dû être réquisitionnés par le protocole d’Etat pour loger les hôtes de marque : le Monotel Dar El-Barka, l’Azalaï Marhaba (ancien hôtel Mercure) et le Tdeila (ex-Novotel).

Côté protection des délégations, le président Aziz entend profiter du sommet pour faire la démonstration de l’efficacité sécuritaire dont il se targue. En plus des services spéciaux mobilisés par chaque délégation invitée, les forces de sécurité mauritaniennes sont sur le pont. C’est aussi en tant que président d’un pays essentiel au G5 Sahel que Mohamed Ould Abdel Aziz doit recevoir le 2 juillet son homologue français, Emmanuel Macron. Les deux chefs d’Etat, ainsi que ceux des autres pays concernés – le Niger, le Mali, le Burkina Faso et le Tchad –, devraient profiter de l’occasion pour permettre à cette force d’être enfin pleinement opérationnelle sur le terrain.