Le prince William lors de son arrivée à l’aéroport Ben Gourion à Tel Aviv (Israël), le 25 juin. / Sebastian Scheiner / AP

Purement symbolique, la visite de cinq jours qu’a commencée le prince William, dimanche 24 juin en Jordanie, en Israël et dans les territoires palestiniens est cependant qualifiée d’« historique » par le palais de Kensington. L’événement réside moins dans les nombreuses visites protocolaires inscrites au programme du duc de Cambridge, que dans la présence dans l’ancienne « Palestine mandataire » contrôlée par les Britanniques entre 1920 et 1948, de cet héritier de la Couronne, âgé de 36 ans, deuxième dans l’ordre de succession de la reine Elizabeth II. Depuis la création d’Israël, aucun membre de la famille royale n’y avait effectué de visite officielle.

Arrivé en Jordanie dimanche, William, qui voyage sans son épouse Kate, a visité lundi le site archéologique romain de Jerash en compagnie du prince héritier Hussein Ben Abdallah. Il a loué « une société jordanienne ouverte et stable » et qualifié de « remarquable [son] engagement de longue date envers les réfugiés palestiniens ». Lundi après-midi, le prince est arrivé à Tel Aviv avant de s’installer à Jérusalem à l’hôtel King David, ancien quartier général de l’administration britannique avant la création de l’Etat d’Israël.

Neutralité dont se prévaut la monarchie

Mardi, il doit visiter, mardi, le mémorial de la Shoah Yad Vashem et s’entretenir avec le premier ministre Benyamin Nétanyahou dans sa résidence officielle à Jérusalem, rue Balfour, du nom de l’ancien secrétaire au Foreign office britannique. En 1917, dans une lettre passée à la postérité, Arthur Balfour avait apporté le soutien de Londres à la création d’un « foyer national » pour les juifs en Palestine, trahissant la promesse faite aux chefs arabes de soutenir leur indépendance. En 1947, le Royaume-Uni a été l’un des rares pays occidentaux à s’abstenir lors du vote aux Nations Unies sur le plan de partage de la Palestine. Après l’établissement de l’Etat d’Israël en 1948, la couronne britannique a d’une certaine façon boycotté le pays.

Mercredi, William visitera des start-ups à Tel Aviv avant de se rendre à Ramallah où il déjeunera avec Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, puis participer à une rencontre « avec des jeunes Palestiniens ». Enfin, jeudi, il se rendra dans la vieille ville de Jérusalem située dans « les territoires palestiniens occupés », comme le rappelle le programme officiel, au grand dam des officiels israéliens. Le voyage est partagé à trois périodes égales, comme pour rappeler la neutralité dont se prévaut la monarchie britannique.

Depuis 70 ans, la volonté de ne pas interférer dans un conflit en cours servait de motivation officielle aux multiples refus opposés par Londres aux invitations à la reine périodiquement lancées par les autorités israéliennes. Première dirigeante du Royaume-Uni à visiter Israël en 1986, Margaret Thatcher fut interrogée sur les raisons pour lesquelles la reine Elizabeth, n’avait jamais trouvé de temps pour Israël. « Mais je suis là ! », avait rétorqué la Dame de fer en toute simplicité.

Curiosité des commentateurs locaux

Le Foreign office contrôle strictement l’agenda des déplacements « royaux » à l’étranger. Les raisons de son changement d’attitude renvoient à la volonté de Londres de rompre son isolement diplomatique consécutif au Brexit et de s’attirer les bonnes grâces de Donald Trump (qui dont effectuer en juillet sa première visite au Royaume-Uni après plusieurs rebuffades) sans pour autant paraître provoquer les Palestiniens. En langage diplomatique de communiqué royal, cela conduit le prince William à l’ambition assez surréaliste de rencontrer des jeunes Jordaniens, Israéliens et Palestiniens « de sa génération » afin de « construire une relation véritable et durable avec les peuples de la région » et « s’informer de leurs ambitions partagées et de leurs espoirs pour l’avenir ».

« Lundi, un pilote d’hélicoptère de 36 ans sans emploi dont le seul rôle dans la vie consiste à attendre le décès de son père et de sa grand-mère pour hériter de l’affaire familiale arrivera en Israël pour une visite historique », a résumé abruptement le journaliste Anshel Pfeffer, dans le quotidien de centre gauche Haaretz. L’arrivée du prince William en Israël suscite la curiosité des commentateurs locaux. Non pas en raison de la personnalité lisse du visiteur et de son devoir de réserve classique, mais de la charge symbolique de l’événement.

Directeur de l’Institut Abba-Eban pour la diplomatie, au Centre interdisciplinaire d’Herzliya et ancien ambassadeur à Londres, Ron Prosor soulignait lundi, dans le quotidien Maariv, à quel point cette visite royale s’était longtemps faite désirer : « Aujourd’hui, alors qu’Israël, l’Arabie Saoudite et d’autres Etats du Golfe persique ont des intérêts communs en partage, en vertu desquels Israël fait partie de la solution et pas du problème, alors que la guerre contre le terrorisme et l’islam extrémiste change les rues de Londres et Manchester, alors que la Grande-Bretagne et l’Arabie Saoudite se donnent la main dans la bataille contre le Hezbollah, les buveurs de thé sur les bords de la Tamise se sont réveillés, même tardivement, et ont réalisé que les intérêts du royaume réclamaient une visite en Israël. »

Détour par la vieille ville de Jérusalem

L’attention de Benyamin Nétanyahou n’est guère focalisée sur cette visite princière. Mais les symboles aussi ont du sens. Dans le programme officiel, il est fait mention d’un détour par la vieille ville, à Jérusalem Est, soit en « territoires occupés », selon l’expression consensuelle de la communauté internationale depuis des décennies. Mais son usage, après la reconnaissance unilatérale de la ville comme capitale d’Israël par les Etats-Unis, a du sens. Elle rappelle que le statut final de Jérusalem ne doit être tranché, selon le consensus international, qu’au terme des négociations finales de paix avec les Palestiniens.

Or cette visite intervient alors qu’une grande agitation diplomatique s’observe dans la région, en raison des intentions américaines. L’administration Trump compte toujours présenter son plan de paix. Le gendre et conseiller du président, Jared Kushner, et l’avocat Jason Greenblatt, qui pilotent les contacts plus ou moins publics avec les pays arabes depuis un an, mettent la pression sur Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, pour qu’il prenne le plan à venir en considération.