Un magasin Harley-Davidson à New York, le 25 juin 2018. / Drew Angerer / AFP

Victime de la guerre commerciale lancée par Donald Trump, le constructeur emblématique de motos américaines Harley-Davidson va délocaliser une partie de sa production pour échapper aux tarifs douaniers instaurés par Bruxelles en représailles à ceux de Washington. La marque de motos, née il y a cent dix-sept ans, a déploré que les taxes douanières européennes soient passées de 6 % à 31 % sur ses produits entrant sur le marché européen, ce qui renchérit le prix au détail de chaque véhicule de 2 200 dollars (soit 1 880 euros).

Depuis le 22 juin, Bruxelles a, en effet, frappé une série de produits typiquement américains de droits de douane de 25 %, des mesures de rétorsion à la suite des taxes infligées par l’administration Trump sur l’acier (25 %) et l’aluminium (10 %) européens. Ainsi, les célèbres motos, mais aussi les jeans, le bourbon ou encore le beurre de cacahuète, sont dans le collimateur de Bruxelles.

« Les taxes douanières sont stupides »

Certains de ces produits semblent être savamment ciblés par l’Union européenne car fabriqués dans des Etats politiquement proches de Donald Trump. C’est le cas de Harley-Davidson, dont le siège est à Milwaukee (Wisconsin), l’Etat de Paul Ryan, le chef des républicains à la Chambre des représentants.

« Voilà une nouvelle preuve des dommages causés par l’application unilatérale de taxes. La meilleure façon d’aider les travailleurs et manufacturiers américains est de leur ouvrir de nouveaux marchés, pas d’imposer de nouvelles barrières sur leurs propres marchés », a commenté M. Ryan.

Donald Trump a réagi dans un tweet se disant « étonné » que, « de toutes les compagnies américaines », Harley-Davidson soit « la première à agiter le drapeau blanc ».

« Le problème n’est pas que Harley n’est pas patriote, c’est que les taxes douanières sont stupides », a rétorqué le sénateur républicain Ben Sasse pour qui ces nouvelles mesures « ne fonctionnent pas ».

Harley-Davidson qui ne veut pas répercuter l’augmentation des droits de douane sur ses clients au risque de faire plonger ses ventes européennes et de « menacer la viabilité des concessionnaires » a donc annoncé qu’il allait déplacer une partie de sa production. Les motos destinées à l’exportation seront désormais fabriquées dans ses usines internationales hors du territoire américain.

Le groupe, qui vend quelque 40 000 motos par an en Europe – son deuxième marché après les Etats-Unis –, n’a pas spécifié dans quelles usines il allait transférer sa production ni si cela allait entraîner des réductions d’emplois sur le sol américain. Harley-Davidson a des usines au Brésil, en Inde, en Australie et une en cours de construction en Thaïlande.

Les ventes s’érodent chaque année

La compagnie prévoit que le coût immédiat des tarifs ainsi que les investissements liés au transfert de production affecteront ses comptes à hauteur de 90 et 100 millions de dollars sur un an. Son titre a chuté de 5,97 % à la Bourse de New York lundi. Non seulement le constructeur est touché par les taxes sur ses motos, mais les droits qui frappent les échanges d’acier renchérissent aussi le coût de cette matière première, avait déjà prévenu en avril le directeur financier du groupe.

Si la marque de motos apparaît comme une victime collatérale de la confrontation commerciale lancée par Donald Trump, l’essoufflement de ses ventes n’est pas nouveau, entre le vieillissement de sa clientèle et la concurrence des véhicules japonais. Le groupe compte donc beaucoup sur ses exportations pour maintenir sa production à flot alors que ses ventes ont chuté de 6,7 % l’an dernier, dont 8,5 % pour les seuls Etats-Unis.

En 2017, Harley-Davidson a vendu 242 788 motos dans le monde, contre 260 289 l’année précédente, et ne prévoit d’en vendre que 231 000 à 236 000 cette année. La compagnie a d’ores et déjà annoncé au début de l’année la fermeture d’un site à Kansas City (Missouri) et une restructuration de son unité de York, en Pennsylvanie. Le nouveau transfert de sa production à l’étranger devrait prendre entre neuf et dix-huit mois.

Ironiquement, Harley-Davidson avait été l’un des premiers groupes manufacturiers à visiter la Maison Blanche en février 2017 pour illustrer la stratégie industrielle de « l’Amérique d’abord » du président Trump, tout juste élu. Le président avait salué « ce fleuron américain » et exprimé sa confiance dans le fait que la compagnie allait augmenter sa capacité industrielle sur le territoire américain.