Le mail est signé « Jean-Claude Mailly, adhérent FO ». Envoyé mardi 26 juin, il est adressé à Pascal Pavageau, qui lui a succédé à la tête de Force ouvrière en avril. Le contenu du texte, que Le Monde s’est procuré, est d’une rare violence. « Je ne te laisserai pas dire n’importe quoi me concernant, attaque M. Mailly. Mentir chez toi est une seconde nature, par exemple quand tu expliques aux camarades que nous avons vidé les ordinateurs et détruit les dossiers. »

C’est le recrutement, annoncé le 18 juin, de l’ex-secrétaire général de FO chez Alixio, société de conseil dirigée par Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, qui a mis le feu aux poudres. Le choix de M. Mailly, qui va par ailleurs siéger au titre de FO au Comité économique et social européen (CESE), n’a visiblement pas plu à M. Pavageau « J’ai beaucoup de réactions en interne à FO depuis sa désignation au cabinet de M. Soubie, surtout pour les missions qui vont être les siennes, qui s’inscrivent quand même dans une logique d’accompagner aussi des plans de restructurations patronaux et au niveau des entreprises », a affirmé le nouveau secrétaire général, lundi, sur Public Sénat.

« De quel droit te permets-tu de juger publiquement mes activités nouvelles »

Selon lui, « il y a une vraie colère, une vraie grogne interne à FO, des militants qui me disent : puisque Jean-Claude Mailly s’était auto-désigné au CESE européen, il y a une incompatibilité entre un tel choix professionnel (…) et le fait de garder un mandat à Force ouvrière”. »

Des déclarations qui ont fait bondir M. Mailly. « De quel droit te permets-tu de juger publiquement mes activités nouvelles, notamment chez Alixio, activités que tu ne connais pas, critique-t-il dans son courriel. Je n’ai pas pu te les expliquer puisque nous ne nous parlons plus depuis quelques semaines avant le congrès ! A l’époque, je t’ai franchement et fermement dit ce que je pensais de ton comportement, de ta duplicité, ce que tu n’as pas supporté. C’est ton problème, pas le mien. »

Lors du congrès de la centrale, fin avril à Lille, les deux hommes avaient déjà publiquement affiché leurs désaccords après un rassemblement très mouvementé qui avait montré une organisation fracturée entre réformistes et contestataires. Très critiqué, notamment par M. Pavageau, pour son positionnement face aux ordonnances mises en oeuvre par le gouvernement pour réformer le code du travail, M. Mailly était sorti par la petite porte après quatorze ans à la tête de la confédération. Son rapport d’activité, bilan de son mandat, n’avait été adopté que de justesse, à 50,54 % des voix.

Dans son mail, M. Mailly poursuit en assurant que s’il devait décider de ne finalement pas siéger au CESE, « cela n’aurait rien à voir avec une quelconque et supposée incompatibilité avec les statuts ou mes activités, mais avec une autre incompatibilité : détenir un mandat FO compte tenu de ton comportement et de tes expressions publiques ». Et de conclure : « Puisque tu sembles n’avoir retenu de L’Internationale qu’une phrase : “du passé, faisons table rase”, je te conseille de m’oublier et d’exister par toi-même dans un contexte difficile qui nécessite détermination, sang-froid, écoute, diplomatie, responsabilité et souci de l’unité. » Contacté par Le Monde, M. Mailly n’a pas souhaité s’exprimer et M. Pavageau n’a pu être joint.