La France a peur. L’info fait l’ouverture du JT de 20 heures de France 2. « Un match nul de la France pas très rassurant », confirme Anne-Sophie Lapix dans les titres. Et cette fois, pas question de faire des blagues sur les « millionnaires en short ». Pas dans le ton. « Que dire, c’est la désolation ! », lance un supporter tricolore dans le sujet qui suit. « On a payé beaucoup d’argent pour voir ça », ajoute un quinqua coiffé d’un bonnet-coq. Ils sont nombreux, aux abords du stade Loujniki de Moscou, à faire part de leur colère aux micros qui se tendent après avoir assisté à l’affligeant France Danemark de l’après-midi.

« C’est nul, on n’a pris aucun plaisir, ils nous ont pris pour des cons », lâche cette dame chez Gilles Bouleau, sur TF1, qui souligne que si les Français sont premiers, « ils se sont qualifiés sans panache lors du match le plus ennuyeux de la Coupe du monde. » Bing ! « Après, il faut positiver : on est en huitièmes et on n’a pris qu’un but en trois matchs », conclut un autre supporter. Il ne s’agit pas non plus de complètement plomber l’ambiance à TF1, il y a un niveau d’audiences à maintenir.

« Remboursez, remboursez »

La nouvelle est tombée deux heures plus tôt. Un nervous breaking news qu’on pourrait résumer ainsi : l’équipe de France vient de terminer première de son groupe sans avoir joué au foot. Le monde entier vient d’assister à ce premier 0-0 de la compétition et le match le plus pénible du Mondial (et qui risque fort de le rester). Sous les sifflets du public, le duo de commentateurs de TF1 conclut une retransmission pas franchement guillerette. « Ce n’est pas la meilleure publicité que l’on puisse faire pour ce sport », tacle Grégoire Margotton au moment où des « Remboursez, remboursez », tombent des tribunes.

Son comparse Bixente Lizarazu tente, lui, d’exorciser : « On va arriver à des matchs à qualification directe, ne vous inquiétez pas, ça va être mieux. » Retour plateau. Denis Brogniart prend le relais, avec Pascal Obispo en guest-star : « C’était un match de transition, faut laisser bosser Didier. Il y a une super ambiance dans ce groupe. » Pas sur le plateau. « Bon allez, l’essentiel est acquis, la France finit première, ça, c’est bien », essaye à son tour Denis Brogniart. Tout ce beau monde se consolera sûrement plus tard (quoique) avec l’affiche contre l’Argentine samedi après-midi, qui promet de battre des records d’audience. Pas impossible que les peintures tricolores réapparaissent sur les joues et que les écharpes refleurissent sur les plateaux.

Sur BFM, on tire la tronche

A la même heure, l’ambiance est tout autre chez les sans-droits. Pour tout dire, à chaud comme ça, c’est à peine si on a le goût du débrief habituel. On fait plutôt dans l’ironie. A l’image de L’Equipe 21, qui propose un sondage sorti des tribunes : « Vous êtes-vous ennuyés pendant cette rencontre ? », glisse malicieusement Olivier Ménard, le présentateur de « L’Equipe du soir ». « Je propose d’inviter en plateau la personne qui répond non », s’amuse Carine Galli, l’une des chroniqueuses de l’émission phare de la chaîne. Autre canal, même connexion. « Match (très) nul entre le Danemark et la France », lit-on en bandeau. « Mais le vrai vainqueur, c’est l’ennui », lâche un des participants.

Sur BFM, on tire la tronche mais si « on gagne à la fin, on vous promet, on fera la fête », lance Eric Di Meco, l’un des anciens joueurs composant la « Dream Team » de consultants. « Premiers mais décevants », lit-on sous Christophe Dugarry, qui bouillonne et contient sa colère jusqu’à la déclaration de son ancien collège de 1998, Didier Deschamps (« Ce n’est pas le match de l’année mais on a fait plus qu’eux. ») : « J’en peux plus de voir cette équipe de France ; je vais me flinguer. » Il préférera finalement quitter le plateau, prétextant « les possibles bouchons sur les Champs-Elysées après la qualif ». Drôle.

Reste l’avenir et le huitième de finale contre l’Argentine de Lionel Messi qui se profile. Le débat reprend ses droits. La peur aussi, un peu. Alors avec qui ? Pas les coiffeurs (les remplaçants titularisés pour ce match du jour) tondus aussi secs. Mais avec Grizou, le chouchou, pas le Griezmann hantant les terrains russes. Ce dernier prend copieux. « Grizou (pffff) c’est fatigant de le mettre au même niveau que notre Zizou, en plus il est frit », s’agace Franck Lebœuf sur BFM. « Il m’a fait de la peine, enfonce son collègue Willy Sagnol. J’ai presque envie de le prendre dans mes bras pour lui dire allez, vas-y, joue. »

Didier Deschamps plutôt épargné

L’attaquant de l’Atlético Madrid concentre les critiques. Son absence de leadership, son vrai faux transfert mis en scène et en vidéo exclusive et même sa façon de nous raser à longueur de pubs alimentent des débats aux titres sans équivoque : « Mais où est passé Griezmann ? », interroge LCI ; « Griezmann à l’envers », assure L’Equipe, « Griezmann inquiétant », sur CNews ; « Griezmann n’y est plus », sur BFM. Mais si, il apparaît sur TF1 : « Ça ne devait pas être beau à la télé, glisse-t-il (ni au stade d’ailleurs). Les gens veulent des beaux gestes et beaucoup de buts, mais on n’est pas là pour ça, mais pour gagner. » Loupé.

Désormais, c’est sûr, il va falloir gagner. La France (et le Danemark d’ailleurs) a de plus une image à restaurer. « Après une telle tristesse, j’ai peur qu’un désamour puisse naître », avance l’ancien joueur et entraîneur Paul Le Guen (L’Equipe 21). Didier Deschamps est pour l’instant plutôt épargné par la critique. « S’il ne maîtrisait pas aussi bien sa com et que nous osions dire franchement les choses, il se ferait massacrer », explique Sébastien Tarrago, journaliste à L’Equipe 21.

Sur LCI, Patrick Chêne tente de remonter le moral des ménages : « Les joueurs ont été rejoints par leurs familles ; ce sont les proches, les femmes qui vont débloquer nos joueurs ». Mais la vraie blague suit sur la chaîne qui propose, en exclusivité, de revoir le match…