Les violences entre éleveurs peuls (musulmans) et agriculteurs berom (chrétiens) qui ont éclaté au cours du week-end dans le centre du Nigeria ont fait « plus de 200 morts », selon le gouverneur de l’Etat du Plateau, Simon Bako Lalong. Une escalade meurtrière qui est « allée trop loin », selon de nombreux observateurs.

Dans un discours publié mercredi 27 juin et adressé au président Muhammadu Buhari, M. Lalong a dit regretter la « perte douloureuse de plus de 200 personnes », tuées par des membres présumés de l’ethnie peule : un chiffre bien supérieur aux 86 morts précédemment annoncés par les forces de police locales.

Le week-end a été particulièrement sanglant : en représailles, des jeunes de l’ethnie berom ont élevé des barricades sur la route entre Jos et Abuja, la capitale fédérale, attaquant tous ceux qui avaient « l’air peul ou musulman », d’après des témoins. Au moins six personnes ont été tuées, selon l’un d’eux.

Récupérations à des fins politiques

Le gouverneur de l’Etat du Plateau recevait mardi le président Buhari, fortement critiqué depuis plusieurs mois pour son inaction face à la crise qui cristallise toutes les tensions dans le pays. M. Buhari, ancien général originaire du nord du pays, a rejeté toutes les accusations selon lesquelles il soutenait la communauté peule et musulmane et a déployé l’armée et des forces de sécurité supplémentaires dans la zone.

Le président Buhari a déclaré mardi que son « administration avait eu des succès notables dans le secteur de la sécurité ». Mais force est de constater que le Nigeria, géant de 192 millions d’habitants, est en proie à de nombreux conflits et que la situation sécuritaire s’est aggravée au cours des trois dernières années.

« Ces tueries sont allées trop loin », alertait mercredi le journal local Business Day, qui appelait le chef de l’Etat à démissionner : « Si le président ne peut garantir la sécurité à ses citoyens […] il devrait quitter ses fonctions, peut-on lire dans le quotidien. Dans une telle situation, il ne devrait même pas aborder le sujet de sa réélection. »

Les prochaines élections générales et présidentielle se tiendront en février 2019. Beaucoup s’inquiètent des récupérations de groupes criminels à des fins politiques, mais aussi de la tournure ethnique et religieuse que prend ce conflit, dont le premier enjeu est l’accès aux terres fertiles.

Pillage, banditisme et contrebande

Historiquement, l’Etat du Plateau est l’une des zones explosives entre chrétiens et musulmans, qui représentent environ chacun la moitié de la population nigériane. Le gouverneur, au pouvoir depuis trois ans, était parvenu jusqu’à présent à maintenir une paix relative. Il s’inquiète désormais « des attaques répétées qui donnent l’occasion à des éléments criminels engagés dans le vol de bétail, le pillage, le banditisme ou la contrebande d’armes de commettre ces crimes parmi les citoyens » du Plateau.

De pareils groupes ont fait des dizaines de morts et ont kidnappé des dizaines de personnes en échange de rançons dans les Etats de Kaduna ou Zamfara. Des milliers de personnes vivent terrées chez elles depuis des semaines ou ont dû quitter leur foyer, craignant ces groupes meurtriers. Selon M. Lalong, les dernières attaques ont été menées avec « des armes sophistiquées » : « Cela nécessite une réponse digne de celle dont nous usons dans le conflit contre Boko Haram », a-t-il déclaré.

Au Nigeria, regain de violences communautaires
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Selon un rapport de septembre 2017 de l’International Crisis Group, plus de 2 500 personnes ont ainsi été tuées en 2016. Ces chiffres devraient être largement dépassés pour l’année en cours.