Film d’animation sur Altice Studio à 20 h 50

DANS UN RECOIN DE CE MONDE - Film annonce

L’une des forces de l’animation japonaise, c’est son approche réaliste, jusque dans la figuration de l’imaginaire. A ce titre, Dans un recoin de ce monde, de Sunao Katabuchi (Prix du jury au Festival d’Annecy, 2016), frappe d’emblée par la ri­gueur de son ambition : passer en revue treize années fatidiques de l’histoire du Japon – des années 1930 à la capitulation, en 1945 – sous le prisme d’une existence modeste, celle d’une jeune épouse étourdie.

Le récit épouse le rythme d’une chronique biographique, jalonnant le passage à l’âge adulte de Suzu, une jeune fille portée à la rêverie. Celle-ci coule des jours économes et laborieux au sein d’une famille de cultivateurs d’algues, dans un village à proximité de Hiroshima, et nourrit une passion pour le dessin. Un mariage arrangé la pousse à quitter les siens pour intégrer un nouveau foyer, dans le port militaire de Kure. Suzu fait tout son possible pour s’adapter à cette nouvelle vie, à cet époux qu’elle ne connaît pas (un fonctionnaire à la cour martiale), à des beaux-parents pas toujours obligeants, aux tâches domestiques qui lui incombent, malgré sa maladresse et son étourderie.

Une tonalité douce-amère

Le film surprend par son habileté à nouer la grande et la petite histoire à partir des gestes, des tâches et des émotions les plus ordinaires. En scrutant dans le détail, et sur une tonalité douce-amère, la condition d’une jeune ménagère en temps de guerre, Katabuchi creuse une sensibilité féministe à rebours de l’histoire, soucieux de témoigner des sacrifices, des contraintes et des devoirs qui ­pe­saient alors sur les femmes. Toutefois, le dessin simple et rond des personnages, conservant tout du long un caractère enfantin, désamorce l’exemplarité et la pesanteur du drame historique.

Le film n’escamote pas la violence, mais la laisse advenir, avec les bombardements répétés qui frappent bientôt la ville portuaire. / ALTICE STUDIO

Le film n’escamote pas la violence, mais la laisse advenir, avec les bombardements répétés qui frappent bientôt la ville portuaire. Au moment où l’horreur éclate, Katabuchi troque momentanément le style figuratif contre l’abstraction, dans un passage splendide qui lui permet de toucher du doigt l’irreprésentable. Dans un recoin de ce monde, il brille ainsi par son refus absolu du spectaculaire, dénichant dans la persévérance du quotidien le secret d’un inébranlable amour du monde.

Dans un recoin de ce monde, de Sunao Katabuchi (Jap., 2016, 128 min).