Documentaire sur France 3 à 20 h 55

Ce n’est évidemment pas la première fois que la télévision française diffuse un programme consacré à Simone Veil (1927-2017). Depuis les années 1970, de nombreux documentaires ont été tournés avec cette femme ayant marqué, pour de multiples raisons, l’histoire de la France contemporaine et qui reposera à partir du 1er juillet au Panthéon.

Mais si ce film signé Hughes Nancy se révèle aussi passionnant, c’est parce qu’elle y est racontée à travers ses proches, enfants et petits-enfants. Et que les portes de l’appartement familial parisien situé place Vauban se sont ouvertes, comme les albums de famille. Riches de photos datant pour certaines des années 1920 et 1930, ils permettent de reconstituer les périodes cruciales de l’enfance et l’adolescence de Simone Jacob.

A travers les souvenirs familiaux, tout s’éclaire : la manière dont cette jeune fille de bonne famille à la beauté lumineuse s’est forgé un tel caractère ; les rapports fusionnels avec sa mère qui ont marqué sa vie ; l’enfer absolu du camp de Birkenau dans lequel la détenue répondant au matricule 78.651 a réussi à survivre. Un matricule que l’on retrouve gravé sur l’épée qu’elle s’est choisie lors de son entrée à l’Académie française en 2010, tout comme le nom du camp de la mort. Mais si Birkenau s’inscrit près de la lame, le nom de Simone Veil est gravé de l’autre côté. Comme pour rappeler que la barbarie n’a pu lui retirer son identité.

Elégance

Le subtil équilibre trouvé par Hughes Nancy entre la force des documents photographiques, les films de famille tournés à Nice dans les années 1930, les témoignages de ses fils Jean et Pierre-François, des petites-filles et petits-fils ou les extraits bien choisis d’un entretien télévisé, diffusé en septembre 1976, signé Jean-Emile Jeannesson et intitulé Deux ou trois choses que je sais d’elle, font la richesse de ce documentaire.

En 1976, filmée de près, visage grave et voix parfois troublée par l’émotion, Simone Veil parle cru, sans filtre. Elle raconte l’horreur du camp, mais pas seulement. Ses relations avec son époux et ses enfants, ses méthodes de travail, la place des femmes dans la société, elle se livre tout en gardant cette attitude de grande bourgeoise un peu froide qui sait se tenir à distance avec élégance.

Simone Veil à Auschwitz en 2004. / JEAN ET PIERRE-FRANÇOIS VEIL

Si Hughes Nancy a choisi de retracer la vie de Simone Veil de manière classique, c’est-à-dire chronologiquement, le montage donne du rythme au récit. En distillant aux moments opportuns des extraits du remarquable entretien réalisé par Jean-Emile Jeannesson il y a plus de quarante ans, en diffusant quelques images inédites tournées dans la maison de campagne normande ou en illustrant avec des actualités d’époque certains moments décisifs de la carrière politique de Simone Veil, le récit d’une vie hors norme prend une nouvelle dimension, plus intimiste, donc plus forte.

On croyait tout savoir sur le parcours de celle qui fut successivement la première femme directrice de l’administration pénitentiaire, directrice des affaires civiles au ministère de la justice, secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature, ministre de la santé ou présidente du Parlement européen. Au-delà d’une carrière exceptionnelle et de combats pour les droits des femmes ou des prisonniers gravés dans la mémoire collective, la force de ce film tient justement au fait de ne pas être un documentaire politique. Mais un regard intimiste porté sur une femme puissante et complexe.

Simone Veil, album de famille, d’Hughes Nancy (France, 2018, 115 min). Signalons également sur LCP la rediffusion du documentaire de Caroline Huppert, Simone Veil, la loi d’une femme, le dimanche 1er juillet à 22 h 30.