Les Bleus ont été neutralisés (0-0) par le Danemark, mardi 26 juin, à Moscou. / FRANCK FIFE / AFP

Le public du Stade Loujniki de Moscou a eu bien des raisons de se sentir floué. Alors que de nombreux spectateurs se sont empressés de quitter les tribunes avant le coup de sifflet final, la piteuse prestation livrée par les joueurs français et danois, mardi 26 juin, leur a valu un tombereau de sifflets. Une bronca justifiée à l’aune du résultat – le premier 0-0 de cette Coupe du monde en Russie – et du contenu insipide de la rencontre.

« Bouillie », « négation du football », « non-match » : les formules ne manquaient pas pour qualifier cette joute soporifique et cadenassée entre des Bleus déjà qualifiés pour les huitièmes de finale, désireux de conserver leur première place au sein du groupe C, et leurs dauphins scandinaves, passés maîtres dans l’art d’édifier un mur en béton armé devant leur cage.

« Une purge »

Dans la touffeur du Loujniki, majestueux vaisseau spatial planté près de la rivière Moskova, le malheureux qui avait payé sa place aura donc assisté au plus mauvais match, jusqu’à présent, de ce Mondial. Ce ne fut qu’une succession de passes mal ajustées, de dégagements ratés et autres interventions rugueuses. Le public a doucement basculé vers une forme de somnolence à mesure que le Danemark verrouillait la partie à triple tour. Vêtus de blanc, les Bleus ont peiné à combiner, incapables de jouer dans les intervalles. « On n’a pas fait notre meilleur match, a euphémisé Olivier Giroud, l’attaquant français. On a envie de l’oublier. En deuxième mi-temps, c’était une purge. »

Certes, comme l’a reconnu Didier Deschamps, la titularisation de six « coiffeurs » (le gardien Steve Mandanda, les défenseurs Presnel Kimpembé, Djibril Sidibé, les milieux Thomas Lemar et Steven N’zonzi, l’attaquant Ousmane Dembélé) a sans doute « nui à la cohésion » de l’équipe de France. Mais ces nombreux changements ne doivent pas masquer la prestation indigne des Tricolores, abonnés aux sinistres 0-0 lors de leurs ultimes matchs de poules. Au Mondial brésilien de 2014 et à l’Euro 2016, ils avaient déjà été mis sous éteignoir par l’Equateur et la Suisse.

Sceptique sur son banc, Deschamps ne s’est toutefois pas départi de son légendaire pragmatisme en conférence de presse. « L’objectif est atteint et c’était le plus important, a estimé le sélectionneur français, satisfait d’avoir conservé la tête de son groupe, avec deux points d’avance sur les Scandinaves. Cela n’a pas été un non-match. Plus le match avançait, plus le nul allait bien aux Danois. On n’avait pas à prendre de risques inconsidérés. »

Face à l’Argentine en huitièmes

Son homologue danois, Age Hareide, l’a volontiers admis : son équipe s’est contentée de « gérer » son match, campant sur ses bases. « Nous avions besoin d’un point, en affrontant une des meilleures équipes du monde, en particulier en contre, cela aurait été stupide de leur laisser des espaces. Un 0-0 ? Cela nous va très bien », a ironisé le technicien.

Age Hareide a même rétropédalé après avoir déclaré, en mai, que les Bleus n’avaient « rien de spécial ». La bouche en cœur, le sélectionneur danois les voient désormais « aller très loin, peut-être même jusqu’au titre. » Avant de songer à revenir au Stade Loujniki pour la finale du Mondial, le 15 juillet, l’équipe de France devra d’abord passer l’obstacle des huitièmes de finale, samedi 30 juin, à Kazan. Si les joueurs de Deschamps peuvent se réjouir d’éviter la Croatie de Luka Modric, véritable épouvantail du groupe D (trois victoires), ils auront droit à un duel spectaculaire contre l’Argentine de Lionel Messi, double championne du monde (en 1978 et 1986) et finaliste malheureuse de l’édition 2014 (défaite après prolongations contre l’Allemagne).

Un autre tournoi commence donc pour les Bleus, qui pourraient retrouver, en quarts, le vainqueur du match entre l’Uruguay de Luis Suarez et le Portugal de Cristiano Ronaldo, champion d’Europe en titre. Les Tricolores sont-ils suffisamment armés pour faire mieux qu’au Brésil (élimination en quarts par l’Allemagne) et ainsi se hisser dans le dernier carré du tournoi, l’objectif minimal fixé par Noël Le Graët, président de la Fédération française de football (FFF) ? La phase de poules n’a guère permis de lever les doutes et interrogations.

« C’est compliqué pour tout le monde »

A l’exception de la première mi-temps du match remporté (1-0) contre le Pérou, le 21 juin à Iekaterinbourg, les Bleus ont « ramé » pour tisser leur toile. Outre les scories dans la circulation du ballon, ils ont souvent « manqué de liant », comme l’admet Deschamps, et éprouvé des difficultés à trouver des espaces pour placer des attaques éclair. Peu créatifs, les Tricolores n’ont marqué que sur un penalty litigieux et grâce à un but inscrit contre son camp lors de la victoire inaugurale (2-1) face à l’Australie, le 16 juin. En trois rencontres, ils ne sont jamais parvenus à centrer avec précision devant la cage adverse.

Avant d’aborder cette phase de matchs à élimination directe, Deschamps peut toutefois trouver plusieurs motifs de satisfaction comme l’émergence du jeune Lucas Hernandez (22 ans), touché au fessier contre le Danemark, ou les bonnes prestations de ses « piliers » Raphaël Varane, Paul Pogba et N’Golo Kanté.

« C’est compliqué pour tout le monde, veut se rassurer le sélectionneur des Bleus. Regardez l’Argentine [victorieuse sur le fil du Nigeria], l’Allemagne qui s’en est sortie à la dernière minute [contre la Suède]. On est évidemment perfectible, mais même pour des équipes qui ont de l’expérience et du vécu comme le Brésil, l’Allemagne ou l’Espagne, ce n’est pas simple. Tout le monde a des difficultés. » Et la pente va être encore plus raide, samedi, contre l’Argentine.