Rien ne va plus – de nouveau – entre le gouvernement et les trois principales associations représentant les collectivités territoriales : l’Association des maires de France (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France. Alors que doit avoir lieu une dernière concertation, le 4 juillet, au sein de l’instance de dialogue chargée de préparer la prochaine conférence nationale des territoires, fixée au 12 juillet, l’ADF a annoncé, dans un communiqué publié mardi 26 juin à l’issue d’un bureau extraordinaire, qu’elle avait décidé de ne pas y participer.

Selon nos informations, cette décision n’est pas isolée. L’AMF et Régions de France devraient, elles aussi, selon toute probabilité, signifier dans les prochains jours, à l’occasion d’une conférence de presse commune des trois associations, leur refus de prendre part à cette conférence associant gouvernement, élus locaux et parlementaires, qui se réunit deux fois par an sous la présidence du premier ministre. De quoi sérieusement fragiliser le dialogue, aujourd’hui au bord de la rupture, entre l’Etat et les collectivités, alors qu’approche la date butoir, le 30 juin, pour la signature des « pactes financiers » par lesquels les 322 plus grosses collectivités s’engagent à modérer leurs dépenses de fonctionnement. Et, surtout, alors que s’ouvre le périlleux chantier de la refonte de la fiscalité locale.

Cause de ce brusque accès de fièvre : la décision du gouvernement de ne pas donner suite à sa proposition de revalorisation de 4,5 % à 4,7 % des taux plafonds des « frais de notaire », à la suite de la position prise par 77 % des départements, lors de leur assemblée générale du 20 juin, de rejeter les contrats de maîtrise de la dépense locale. Ces deux dixièmes de point de hausse du taux plafond des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements à chaque transaction immobilière auraient rapporté à ces derniers quelque 490 millions d’euros.

Oui, mais, pour le gouvernement, cette concession était associée à une acceptation de principe, de la part des départements, de la contractualisation financière sur les dépenses de fonctionnement. Dans un courrier adressé le 24 juin à l’ensemble des présidents de département, dont Le Monde s’est procuré une copie, Edouard Philippe recense les dispositions prises par son gouvernement tant en ce qui concerne la prise en charge des mineurs non accompagnés que sur les allocations individuelles de solidarité (AIS), deux charges qui grèvent lourdement les budgets des départements, estimant qu’il a déjà fait un effort considérable pour répondre à leurs difficultés. « Le gouvernement ne peut donc que prendre acte d’un désaccord, écrit le premier ministre. Il formulera (…) des propositions aux départements qui souhaiteront s’engager à ses côtés. » En clair, les autres devront repasser.

Front du refus

Les départements dénoncent un « chantage ». « Le gouvernement s’est dédit sans nous en prévenir, s’insurge l’ADF. Les départements sont punis car ils sont, par respect de la décentralisation, contre les pactes financiers avec l’Etat. (…) Des relations avec l’Etat seront rétablies dès lors que le gouvernement rouvrira le dialogue sur les AIS et remettra sur la table les propositions qu’il a brutalement retirées. » Hervé Morin, le président de Régions de France, fait état de « pressions » exercées par les préfets sur certaines collectivités pour les inciter à signer les contrats de modération. « Le gouvernement joue avec les nerfs des collectivités locales », estime Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine, qui s’apprête à signer bien qu’il juge « le texte proposé diabolique et humiliant ».

Le 17 juillet 2017, lors de son discours prononcé au Sénat devant les élus locaux, Emmanuel Macron disait souhaiter « que cette conférence nationale des territoires puisse nous permettre de réussir ce pari de la confiance, de l’efficacité, du respect ». Un an après, la méfiance semble l’emporter entre le gouvernement et une partie des associations d’élus. « Les leçons de l’Etat, ça commence à bien faire », s’emporte M. Morin. « On est aux antipodes du pacte girondin annoncé par le président de la République », déplore Gilles Simeoni, le président nationaliste du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse. « Ces pactes financiers s’apparentent plus à des lettres de cadrage qu’à des contrats », estime Dominique Bussereau, le président de l’ADF.

Ce front du refus, toutefois, est loin de faire l’unanimité. Le gouvernement fait valoir qu’une majorité des collectivités concernées, en définitive, auront signé, d’ici au 30 juin, les pactes de modération. « Il vaut mieux une limitation de la hausse qu’une baisse des dotations », insistait lundi 25 juin le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, fustigeant « ceux qui font de la politique politicienne ». Edouard Philippe devait se rendre en personne à Lille, jeudi, pour signer plusieurs contrats avec des collectivités du Nord, et notamment avec la région Hauts-de-France présidée par Xavier Bertrand.

Jean-Luc Moudenc, le président de France urbaine, qui regroupe les grandes villes et métropoles, indique que, sur les 103 membres de son association, 95 % auront contractualisé. L’Association des collectivités de France, pour les intercommunalités, et Villes de France, pour les villes moyennes, se sont également engagées dans le processus. M. Moudenc souligne que 98 % des communes membres de l’AMF ne sont pas soumises à la contractualisation. « En clair, ceux qui sont concernés y sont favorables et ceux qui ne sont pas concernés sont contre. Il y a là comme un déphasage », note le maire de Toulouse, mettant en garde contre les « postures ».