La crise migratoire est au cur du sommet européen des 28 et 29 juin, à Bruxelles. / Stephanie Lecocq / AP

Pour justifier les différentes idées qui circulent ces derniers jours entre Bruxelles et les autres capitales de l’Union européenne (UE) à propos de la gestion de la migration, beaucoup de dirigeants et de diplomates se réfugient derrière le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).

Et, de fait, cette agence des Nations unies a été la première à suggérer, au printemps, la mise en place de « plates-formes de désembarquement » en Méditerranée. Afin d’éviter que des cas comme celui de l’Aquarius, ce bateau auquel l’Italie a refusé l’accostage, ne se reproduise trop souvent. « Nous avons enregistré mille décès depuis le début de l’année, il est temps d’établir un mécanisme à l’échelle régionale », souligne Ralf Gruenert, représentant du Haut-Commissariat en France.

Consciente que la crise politique que traverse actuellement l’Union menace jusqu’au principe même du droit d’asile, l’UNHCR va désormais plus loin, détaillant son schéma de « plates-formes de désembarquement » sur le pourtour mediterranéen. Sans plus aucune référence au règlement européen de Dublin, qui stipule que c’est au pays de première entrée de migrants qu’il appartient de les accueillir et d’examiner leur demande d’asile.

Dans une lettre conjointe datée du 27 juin et adressée à Federica Mogherini, Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, l’UNHCR et l’Office international pour les migrations (OIM), proposent une approche complètement renouvelée et appellent « tous les pays de la région mediterranéenne à se réunir pour mettre en place un mécanisme prévisible et responsable de désembarquement, avec pour priorité le respect des droits humains et la sécurité (des naufragés) ».

Estimant que la situation nécessite désormais une « responsabilité partagée autour du bassin méditerranéen», l’UNHCR et l’OIM recommandent d’abord d’augmenter significativement le nombre de réfugiés accueillis directement depuis les pays d’origine et de transit, et suggèrent la mise en place de filières de migration légale, et de visas pour les migrants les plus « fragiles ».

Intransigeance de la Hongrie et de ses alliés

Les plates-formes devraient aussi procéder « rapidement » au traitement des dossiers et « réduire les mouvements » des migrants. Les deux agences ne précisent pas si ces centres doivent être, ou non, fermés. Le HCR est, en principe, opposé à la rétention administrative, en tout cas, des personnes vulnérables et des enfants. Il affirme toutefois la nécessité de protéger certains migrants, souvent endettés, des réseaux de trafiquants.

Pas de précision non plus sur la localisation des plates-formes, hormis qu’elles peuvent se trouver « dans l’UE » mais aussi « potentiellement ailleurs » et devraient être distribuées « de manière géographique ». Une réserve cependant : certains pays ne disposent pas de centres de sauvetage en mer, ce qui réduit leur rôle potentiel.

Emmanuel Macron et le premier ministre espagnol Pedro Sanchez plaident pour des plates-formes situées dans des ports européens. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, et les pays de l’Est insistent sur des centres externes à l’UE, sur les rives africaines. Budapest ou Varsovie ne veulent en effet pas entendre parler de centres européens qui, de leur point de vue, continueraient à être des pôles d’attraction pour les migrants et les passeurs.

HCR et IOM soulignent aussi – mais seront-ils entendus ? – la nécessité de mettre au point parallèlement des mécanismes de répartition équitables des demandeurs d’asile. Un projet qui butte sur l’instransigeance de la Hongrie et de ses allliés.

Il restera enfin à régler la question de la gestion des « plates-formes », ces « hotspots » d’un nouveau type. Des dirigeants européens affirment que le HCR peut jouer ce rôle. M. Gruenert paraît plus nuancé. « La gestion de telles structures ressortirait des Etats, le HCR est disponible pour les aider, sur la base de son expérience », souligne-t-il.