Les mots ont été tracés sur le sol à la peinture blanche, en lettres capitales, à quelques jours de la Marche des fiertés du samedi 30 juin : « LGBT hors de France ». Dans la nuit du 25 au 26 juin, les drapeaux arc-en-ciel peints sur la chaussée d’un carrefour du quartier du Marais, à Paris, ont également été recouverts de blanc. Les traces du vandalisme ont disparu dans la journée, et les couleurs repeintes seront désormais permanentes.

Une étude publiée le 27 juin par l’IFOP est venue confirmer l’ampleur des discriminations subies par les homosexuels, bisexuels ou transgenres : plus de la moitié ont déjà été victimes d’une agression (insultes, attouchements ou gestes à caractère sexuel, menaces de révéler l’orientation sexuelle, viol…).

De quoi mobiliser les participants à la marche, rassemblés autour du mot d’ordre : les discriminations au tapis, dans le sport comme dans nos vies. La mise en avant du sport, qui vise à lutter contre la « loi du silence » dans ce milieu, est contestée par une minorité d’association comme Act Up-Paris. Selon l’Inter-LGBT (Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans), organisatrice, l’actualité le justifie.

La Coupe du monde de football se déroule en Russie, un pays où les homosexuels sont contraints de vivre cachés. De nombreuses associations, parmi les quatre-vingt-sept présentes, continueront cependant à réclamer en premier lieu l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

« Tous les voyants sont au vert »

« Notre mot d’ordre c’est : PMA, l’égalité n’attend pas », souligne Joël Deumier, président de SOS homophobie. Pour les associations, qui pensaient la mesure acquise après les promesses de campagne de François Hollande en 2012, l’attente a déjà trop duré.

« C’est une urgence sanitaire et une mesure de justice sociale, plaide Clémence Zamora Cruz, porte-parole de l’Inter-LGBT. Il y a aujourd’hui une différence entre celles qui peuvent partir le faire à l’étranger et celles qui n’ont pas les moyens. »

L’optimisme est aujourd’hui de mise chez les partisans de la mesure. « Tous les voyants sont au vert, affirme M. Deumier. L’ouverture de la PMA est un engagement de campagne d’Emmanuel Macron. Plusieurs instances se sont prononcées pour : le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, le Défenseur des droits. On attend désormais l’avis final du comité d’éthique à la rentrée, sachant qu’il s’est déjà dit favorable en juin 2017. »

Malgré la forte mobilisation des opposants, en particulier de La Manif pour tous, pendant les états généraux de la bioéthique qui se sont achevés en juin, les sondages montrent de leur côté une opinion favorable à environ 60 %.

« En 2013, lors du débat sur le mariage pour tous les Français étaient très divisés à ce sujet, poursuit M. Deumier. Ce n’est plus le cas. » Signal jugé positif, la garde des sceaux, Nicole Belloubet, s’est déclarée pour l’ouverture de la PMA « à titre personnel », le 6 juin, sur RMC, tandis que la ministre de la santé, Agnès Buzyn, ne s’est, jusqu’à présent, pas prononcée.

« Des oppositions dures »

L’attitude d’Emmanuel Macron, lors d’un dîner à l’Elysée consacré aux sujets de bioéthique, le 23 mai, a calmé les inquiétudes. « Il ne donne pas le sentiment de vouloir rester dans le statu quo », résume Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales.

Egalement présente, la sociologue Irène Théry se dit « optimiste » sur l’ouverture de la PMA, mais également sur l’accès aux origines des enfants conçus par don de gamètes, l’autoconservation des ovocytes, et la reconnaissance des enfants nés par gestation pour autrui à l’étranger, des revendications qu’elle soutient. « Mais je sais bien qu’il y aura des oppositions dures, dit-elle. Et la double filiation dès avant la naissance pour les couples de femmes n’est pas acquise. »

Les associations commencent, elles aussi, à mettre en avant cette question de la filiation.

« Elle doit être établie sur la base d’une déclaration commune anticipée, soutient M. Urwicz. Sinon, celle qui aura porté l’enfant sera considérée comme la seule mère, et l’autre n’aura aucun droit. »

A moins de se marier et d’adopter l’enfant de sa conjointe, comme le font aujourd’hui les couples qui réalisent des PMA à l’étranger. D’autres questions se posent : la disponibilité des gamètes, le remboursement…

« Entendre la diversité des points de vue »

Autre bon signe avancé, l’Assemblée nationale s’est déjà mise au travail, alors que le projet de loi du gouvernement sur la bioéthique n’est attendu qu’à l’automne. Des députés des commissions des affaires sociales et des lois ont commencé à mener des auditions. Une mission d’information de trente-six députés fera de même, en juillet et septembre, avant de rendre un rapport. Elle sera présidée par le député (LR) Xavier Breton, hostile aux changements de la législation, tandis que son rapporteur (LRM), Jean-Louis Touraine, leur est favorable. « Aujourd’hui, la plupart des députés ne connaissent pas bien ces sujets et se fondent sur leur conscience et leurs a priori, analyse ce dernier. L’objectif est d’entendre la diversité des points de vue afin de les amener à se faire un jugement rationnel. »

En raison du nombre important de sujets qui pourraient être traités dans la loi de bioéthique (PMA, mais aussi recherche sur l’embryon, don d’organes, données de santé), certains élus, comme Jean-François Eliaou (LRM), rapporteur de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, ont commencé à plaider en faveur d’un projet de loi spécifique pour la PMA, examiné dans la foulée de la bioéthique. Les pros-PMA pour toutes redoutent qu’une telle mesure ne renvoie – une nouvelle fois – le sujet aux calendes grecques.