Laurent Wauquiez, président LR, monte sur scène pour prononcer son discours devant le Conseil national des Républicains au Palais de l’Europe de Menton, samedi 30 juin 2018. / Jean-Claude Coutausse/French-Politics pour Le Monde

Certes, les huées se sont mêlées aux applaudissements pour saluer l’arrivée de Valérie Pécresse dans la grande salle du palais de l’Europe, à Menton (Alpes-Maritimes), où le parti Les Républicains (LR) organisait, samedi 30 juin, son conseil national consacré à l’Europe. Certes, d’autres huées, franches, elles aussi, ont accompagné le passage éclair de dix minutes de Christian Estrosi à l’heure du déjeuner – le maire de Nice s’est contenté de saluer les personnes présentes, et n’a pas pris la parole.

Les anciens premiers ministres Alain Juppé ou Jean-Pierre Raffarin, deux europhiles revendiqués, n’avaient quant à eux carrément pas fait le déplacement. Mais, fait suffisamment rare pour être noté, la droite a aperçu lors de ce rendez-vous l’horizon d’un possible consensus sur un sujet qui alimente d’ordinaire les divisions. Première lueur d’espoir à un peu moins d’un an des élections européennes de mai 2019. « Forcément, comme on a moins de monde… », grince un député présent, soulignant un resserrement sur le noyau dur du parti.

Accord sur une poignée d’engagements consensuels

En quittant les lieux, néanmoins, en fin de matinée, Mme Pécresse s’est félicitée : « Je vois que l’euroscepticisme recule et le discours pro-européen avance, ça me rend extrêmement satisfaite. » La présidente de la région Ile-de-France n’a pas manqué de remarquer que son rival, Laurent Wauquiez, a renoncé dans un entretien aux Échos, vendredi 28 juin, à son projet de refonte des traités européens. Tout en tempérant son souhait d’imposer à l’Union européenne des « cercles concentriques » qui resserraient l’intégration autour de quelques États membres.

« On est pour sauver l’Europe à 27, c’est une bonne chose, s’est réjouie la fondatrice de Libres !. J’ai l’impression que le message que nous avons tous porté a été entendu. »

Valérie Pécresse participe au Conseil national des Républicains au Palais de l’Europe de Menton, samedi 30 juin 2018 - - 2018©Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde / Jean-Claude Coutausse/French-Politics pour Le Monde

Intervenant lors d’une table ronde, un peu plus tôt, Mme Pécresse s’est contentée d’apporter une nuance au discours porté par M. Wauquiez sur la nécessité de défendre une « Europe protectrice ». « L’Europe qui protège, on est d’accord, maintenant il faut aussi qu’on soit conquérants », a-t-elle estimé.

« Il faut une Europe de l’adhésion, l’Europe des cercles ce n’est pas un sujet de campagne, abonde Eric Woerth, député de l’Oise. Les Républicains ont besoin que Laurent Wauquiez réussisse, et pour qu’il réussisse il faut élargir, débattre. C’est bien si on ne vend pas l’idée d’une Europe qui se rabougrit, c’est positif tout ça. » L’ancien ministre du budget ne manque pas de rappeler, dans le même temps, que le parti n’est qu’au « début d’une démarche ».

Pour l’heure, les dirigeants de LR se sont simplement mis d’accord sur une poignée d’engagements consensuels. Le conseil national du parti a entériné une liste de sept « piliers » devant représenter une base de travail pour les mois à venir, parmi lesquels dominent la notion de « frontière » et la lutte contre l’immigration. « La vague migratoire actuelle pourrait bien cacher un tsunami à venir », a estimé M. Wauquiez dans son discours de clôture.

Wauquiez n’a pas cherché à gommer les accents eurosceptiques de son discours

« Le sujet numéro un, aujourd’hui, c’est les migrants », convient le député de Vaucluse, Julien Aubert, qui compte parmi les plus souverainistes de son camp. « Tout est dans l’interprétation de nos sept piliers de la sagesse, souligne l’élu. Nous disons dans ce texte ne pas vouloir sortir de l’euro et de l’Europe, mais il faudrait écrire aussi que nous sommes contre le fédéralisme. Nous sommes favorables à la libre entreprise et contre la concurrence déloyale, mais il faudrait aller au bout de la logique et dire aussi que nous refusons les traités commerciaux. »

Malgré le climat de consensus, Laurent Wauquiez n’a pas cherché à gommer les accents eurosceptiques de son discours. « Nous avons tellement peur d’affaiblir l’Europe que nous nous sommes enfermés dans l’aveuglement », a-t-il estimé, assumant son livre brûlot - Europe, il faut tout changer (Odile Jacob) – publié en 2014. L’Union européenne actuelle, à ses yeux, serait « trop pesante, trop normative, trop doctrinaire, trop élargie », et aurait gâché « le plus beau projet politique de l’après-seconde guerre mondiale ».

« Je suis un européen convaincu, mais je ne suis pas un européen convaincu des institutions, je ne suis pas un européen convaincu des normes, je suis un européen convaincu de manière plus charnelle », a-t-il ajouté, célébrant « les racines judéo-chrétiennes » de l’Europe et paraphrasant le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté : « L’homme occidental doit cesser de se mépriser. »

Un peu plus tôt, l’ancien filloniste Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, avait adopté de semblables accents identitaires. « Le projet européen est avant tout un projet de civilisation et pas un Meccano institutionnel fédéral », postulait l’ancien villiériste, pour qui « l’Europe doit défendre pied à pied notre identité, son identité, assumer son histoire ». Remiser au placard les questions institutionnelles et se concentrer sur l’identité et l’immigration : c’est le meilleur moyen, au fond, de mettre d’accord le plus grand nombre.