Le verdict du tribunal de grande instance de Ouagadougou a été accueilli dans un brouhaha général, mardi 3 juillet : « Deux mois d’emprisonnement ferme » pour l’internaute Naïm Touré. Le militant burkinabé de 35 ans, arrêté et placé en détention à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, le 14 juin, a été reconnu coupable d’« incitation de troubles à l’ordre public » pour une publication jugée « provocatrice » sur Facebook. Les deux autres chefs d’inculpation, « appel à former un complot contre la sûreté de l’Etat » et « participation à une entreprise de démoralisation des forces de défense et de sécurité », pour lesquels il était également poursuivi, n’ont pas été retenus.

Dans son post publié le 13 juin, Naïm Touré s’indignait du sort d’un gendarme blessé et en attente d’une évacuation sanitaire après une opération anti-terroriste menée il y a un mois à Ouagadougou. « Je dis et le répète que le politicien de la majorité actuelle MPP [Mouvement du peuple pour le progrès] n’a rien à foutre de vos putaines de vie [sic]. De nos putaines de vie à nous simples civils aussi d’ailleurs », critiquait l’internaute, avant de conclure, en lettres majuscules : « Tous ensemble recadrons ces vauriens. A défaut boutons les papou- (nis) [“papou” fait ici référence au président Roch Marc Christian Kaboré] hors de nos vues. Trop, c’est quand même trop. »

« Le combat n’est pas terminé »

Pour son avocat Prosper Farama, qui a annoncé vouloir faire appel, « c’est une décision très inquiétante lorsque nous arrivons à cette situation, quelques années après l’insurrection [de 2014], pour étendre les champs des libertés démocratiques au Burkina Faso. C’est une piqûre de rappel pour tous les défenseurs de la liberté : le combat n’est pas terminé ».

Le porte-parole du comité de soutien à Naïm Touré, Al-Mamy Kj, critique : « Naïm a tout simplement été condamné parce qu’on a voulu en faire un exemple. On ne veut plus que les gens parlent dans ce pays, c’est le début d’un combat de longue haleine pour les libertés au Burkina Faso. »

Du côté des organisations de défense des libertés, Ali Sanou, le secrétaire général du Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), s’inquiète du verdict rendu ce mardi « pour un simple post » : « Cela montre une certaine frilosité des pouvoirs publics vis-à-vis des réseaux sociaux, parce que c’est une zone de liberté et d’expression qu’ils ne maîtrisent pas. Aujourd’hui nous constatons malheureusement une remise en cause des libertés fondamentales dans le pays. »

C’est la troisième fois que Naïm Touré est interpellé pour ses publications. En 2017, il avait été condamné pour « injures publiques » contre le conseiller spécial de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Salif Diallo. Un an plus tôt, il avait été placé en garde à vue, avant d’être relâché, pour avoir révélé, toujours sur Facebook, les soucis de santé de l’adjudant-chef Moussa Nébié, dit « Rambo », incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction des armées pour avoir participé à une tentative de putsch en 2015.