La dirigeante conservatrice allemande, Angela Merkel, a fait l’objet d’une remise en cause sans précédent de l’intérieur même son équipe. / HANNIBAL HANSCHKE / REUTERS

La chancelière allemande Angela Merkel a réussi à sauver son gouvernement en acceptant de renoncer définitivement à sa politique migratoire généreuse, mais ce répit pourrait n’être que de courte durée. « Le climat dans une coalition gouvernementale n’a probablement jamais été aussi empoisonné que dans celle-ci », a commenté mardi 3 juillet le quotidien Bild, le plus lu outre-Rhin, après l’accord aux forceps obtenu la veille entre la chancelière et son ministre de l’intérieur rebelle, qui réclamait de réduire fortement le nombre de demandeurs d’asile arrivant dans le pays.

La dirigeante conservatrice a fait l’objet d’une remise en cause sans précédent de l’intérieur même son équipe. Elle va devoir, après presque treize années au pouvoir, redoubler d’efforts afin de restaurer son autorité et consolider la fragile coalition gouvernementale, difficilement mise en place en mars, entre son parti de centre-droit CDU, la droite bavaroise CSU et les sociaux-démocrates.

Alors que la présidente des sociaux-démocrates du SPD, Andrea Nahles, a salué la fin des hostilités dans le camp conservateur, l’un des spécialistes des questions migratoires au sein de sa formation, Aziz Bozkurt, a fustigé des restrictions migratoires qui vont « totalement dans le sens » de l’extrême droite.

Si le SPD devait rejeter ce compromis, tous les efforts d’Angela Merkel pour sauver son gouvernement seraient remis en cause. Une réunion au sommet des trois partis de la coalition est prévue mardi à 16 heures.

Une cible privilégiée

Mme Merkel reste une cible privilégiée pour les courants conservateurs les plus durs, y compris donc au sein de sa propre famille politique. En cause, sa décision en 2015 d’ouvrir l’Allemagne à des centaines de milliers de candidats à l’asile.

A la tête des frondeurs : le président de la CSU, Horst Seehofer, que la chancelière espérait pouvoir garder sous contrôle en le nommant ministre de l’Intérieur. Mais celui-ci s’inquiète pour son parti, qui risque de perdre sa majorité absolue lors d’élections régionales en automne en raison de la percée attendue de l’extrême droite.

Si tel est le cas, les hostilités contre Angela Merkel, accusée de mener une politique trop centriste, repartiront de plus belle. Car la fronde de la CSU la visait aussi personnellement, de nombreux médias y voyant une tentative de « putsch » de son aile droite.

« Camps d’internement »

Lundi soir, la chancelière a dû céder beaucoup de terrain en acceptant de fortes restrictions à l’immigration. L’un des proches du ministre de l’intérieur, Markus Blume, a d’ailleurs parlé d’un « tournant de la politique d’asile » allemande.

Concrètement, les demandeurs d’asile arrivant en Allemagne mais déjà enregistrés dans un autre pays de l’UE – c’est-à-dire la grande majorité d’entre eux – seront placés dans des « centres de transit » à la frontière avec l’Autriche en attendant leur renvoi vers le pays d’entrée.

Bernd Riexinger, un dirigeant de la gauche radicale, a parlé de « camps d’internement de masse », dans une référence au passé nazi de l’Allemagne. Il a demandé au SPD de refuser ce compromis.

En principe, les renvois de migrants doivent se faire en accord avec les pays d’entrée et non de manière unilatérale. Si des accords ne peuvent toutefois être trouvés, il est prévu de refouler les migrants vers l’Autriche. Reste à savoir ce qu’en pensera Vienne.

Le gouvernement autrichien associant extrême droite et conservateurs, qui vient de prendre la présidence tournante de l’UE, a déjà prévenu qu’en pareil cas il prendrait des mesures identiques à ses propres frontières. Avec le risque d’un effet domino en Europe.