Emmanuel Macron et Christian Prudhomme félicitent Chris Froome sur le podium après la 17e étape du Tour, le 19 juillet 2017. / JEFF PACHOUD / AFP

Visé par un contrôle anormal au salbutamol lors du Tour d’Espagne en septembre 2017, Christopher Froome a été blanchi par l’Union cycliste internationale (UCI). Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France, regrette qu’il ait fallu attendre si longtemps avant de connaître enfin, lundi 2 juillet, la décision, à moins d’une semaine du départ de l’épreuve, le 7 juillet.

Quel a été votre premier sentiment à l’annonce de la décision de l’UCI ?

Je n’ai cessé de répéter qu’il nous fallait une réponse d’une autorité sportive indépendante, depuis la mi-décembre 2017 [au moment de la révélation du contrôle anormal de Christopher Froome subi quelques semaines plus tôt, sur le Tour d’Espagne]. J’aurais préféré que cette annonce arrive plus tôt, c’est une évidence. Au nom du Tour de France, mais aussi comme président de l’association des organisateurs de courses, j’ai dit depuis plus de six mois qu’il nous fallait une réponse rapide, puisque toutes les courses auxquelles Chris Froome participait pouvaient en pâtir, ne sachant pas si le résultat allait compter. C’était quand même un problème.

Le président de l’UCI, David Lappartient, a d’abord dit : « Il n’y aura pas de réponse [concernant le cas Froome] avant le Giro [du 4 au 27 mai]. » Puis, début juin, il a donné une interview au Parisien, dans laquelle il annonçait clairement qu’il n’y aurait pas de décision d’ici au Tour. Nous avons donc décidé, il y a trois semaines, de faire usage de l’article 29 du règlement du Tour de France [selon lequel « ASO se réserve expressément la faculté de refuser la participation à – ou d’exclure de – l’épreuve, une équipe ou l’un de ses membres, dont la présence serait de nature à porter atteinte à l’image ou à la réputation d’ASO ou de l’épreuve »]. Nous l’avons fait savoir à Chris Froome, à son équipe et à l’UCI.

Pourquoi ne pas avoir communiqué, il y a trois semaines, sur votre volonté d’exclure Christopher Froome du Tour ?

Parce que nous ne voulions pas mettre de l’huile sur le feu. Nous savions qu’il faudrait de la sérénité. Nous étions droits dans nos bottes, nous avons pris nos responsabilités, c’est le plus important. Mais nous ne voulions pas que l’on puisse nous reprocher d’avoir fait en sorte de faire monter la mayonnaise au moment de l’audience [prévue devant la chambre arbitrale du Comité national olympique et sportif français, initialement fixée mardi 3 juillet, et désormais annulée].

Pensez-vous que votre décision d’exclure Christopher Froome du Tour aurait tenu devant la chambre arbitrale du CNOSF ?

Je ne peux pas vous le dire. Nous sommes allés au bout des possibilités que nous avions, sachant que nous n’avions pas de réponses des autorités sportives. Ce que je déplore très clairement, ce sont ces mois d’attente. Le contrôle remonte au Tour d’Espagne en septembre 2017. Il a été révélé par Le Monde et le Guardian le 13 décembre. Nous avons longtemps espéré une réponse. Et quand David Lappartient disait : « C’est à l’UCI de répondre », nous étions tout à fait d’accord. Début juin, nous nous sommes dit que nous n’allions pas avoir de réponse. Nous avons donc enclenché la procédure il y a trois semaines, que Le Monde a révélée dimanche 30 juin, et désormais nous avons la réponse que nous attendions depuis longtemps.

Que pensez-vous de cette décision ?

Nous n’avons pas accès au dossier. Notre position se fondait vraiment sur l’image. Si l’UCI et l’Agence mondiale antidopage (AMA) estiment que… Soit. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur le fond.

Au-delà de la question du délai de traitement, un coureur a sollicité les plus grands avocats et des dizaines de scientifiques, et ainsi obtenu gain de cause. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

La lutte antidopage, quel que soit le sport, me semble absolument nécessaire. Il faut que cela continue. Je ne peux pas en dire plus, je n’ai pas entendu l’AMA s’exprimer là-dessus. Encore une fois, nous n’avons pas accès au dossier…

Sur les réseaux sociaux, l’hostilité vis-à-vis de Christopher Froome est assez forte…

Il y a des réactions extraordinairement tranchées. C’est blanc ou noir. Il faut qu’à l’avenir, s’il y a un contrôle dit anormal, il y ait une suspension provisoire, parce que c’est la lenteur de la procédure qui nourrit le doute et la suspicion. Cela envenime les choses. Il faut donc absolument changer cette règle.

Y a-t-il de quoi être inquiet pour la sécurité de Chris Froome durant le Tour de France ? Que peut faire ASO pour le protéger ?

Le public du Tour de France est un public bienveillant. Mais je ne suis pas non plus aveugle. Je ne peux appeler qu’à la sérénité. Le Tour est une immense fête populaire, au-delà de la compétition cycliste. Nous n’avons pas attendu cet épisode pour protéger le peloton, les coureurs et le public. Nous avons 3 500 kilomètres de course, 7 000 kilomètres de bas-côtés : il n’y a aucune réponse imparable. Il faut en appeler à la sagesse des gens.

L’image de Froome, même blanchi, reste négative. L’aligner au départ n’est pas une bonne nouvelle pour l’image du Tour. Que lui direz-vous quand vous le croiserez lors de la compétition ?

Je n’ai pas d’acrimonie contre tel ou tel. Chris Froome est quelqu’un de bien élevé. Sur le fond, je n’ai pas à m’exprimer. Non pas que je ne veuille pas le faire, mais tout simplement parce que je ne connais pas le fond de l’affaire. Ce que je regrette vraiment, c’est que cela ait duré si longtemps.