Le mari de la joggeuse disparue, Jonathan Daval près d’un portrait de sa femme, lors d’une marche silencieuse, à Gray (Haute-Saône), le 5 novembre 2017. / SEBASTIEN BOZON / AFP

Jusqu’à son revirement surprise, rendu public ce mercredi 4 juillet, Jonathann Daval ne niait qu’une seule chose : avoir tenté de mettre le feu au corps de son épouse Alexia après l’avoir abandonné en lisière d’un bois proche de Gray, en Haute-Saône, dans la nuit du 27 au 28 octobre 2017. En garde à vue, après son interpellation le 29 janvier 2018, puis devant le juge d’instruction, le 9 mars suivant, l’informaticien de 34 ans avait admis l’avoir tuée « accidentellement » à l’occasion d’une dispute qui avait mal tourné.

Il aurait paniqué, enveloppé le cadavre dans un drap récupéré à son domicile et l’aurait transporté dans les bois avec son véhicule de fonction. Afin de valider sa première thèse d’un jogging au cours duquel la jeune employée de banque de 29 ans aurait été agressée par un rôdeur, il avait mis aux pieds de sa femme des chaussures de sport, puis utilisé le téléphone mobile de la victime pour envoyer en son nom, à ses proches, des SMS accréditant ce montage.

Si tous les résultats d’analyses scientifiques ordonnées n’ont pas encore été transmis aux enquêteurs de la gendarmerie, ceux-ci avaient déjà réuni des éléments confirmant en partie cette version. Ainsi, le « tracker » de la voiture de société de Jonathann Daval avait-il confirmé la sortie nocturne, d’ailleurs notée par de proches voisins. Ce qui n’est pas suffisant pour en identifier avec certitude le conducteur. L’origine du drap retrouvé sur le corps avait aussi été établie.

Mais l’état psychologique et physique très fragile du mis en examen pour « meurtre aggravé », le 30 janvier, n’avait pas permis d’aller plus loin dans les interrogatoires. Son avocat, Me Randall Schwerdorffer, dont les propos énergiques durant la garde à vue de son client avaient défrayé la chronique judiciaire, admettait d’ailleurs qu’il s’agissait là d’une personnalité « d’accès difficile » et qu’il convenait de lui laisser reprendre des forces à la maison d’arrêt de Dijon avant de l’entendre à nouveau.

« Un véritable cauchemar »

Quand Jonathann Daval, en meilleure forme, lui a fait savoir que la vérité était « différente » de ce qu’il avait pu déclarer auparavant, et que le meurtrier serait en fait son beau-frère Grégory Gay, mari de Stéphanie, la sœur d’Alexia, son défenseur a reconnu avoir été d’abord « abasourdi ». Mais comme il avait des doutes sur le récit initial du meurtrier présumé, qui ne « matchait » pas selon lui avec des éléments du dossier, il a pensé préférable que le magistrat instructeur en soit informé, puisque tel était le souhait de son client.

A sa demande, Jonathann Daval avait donc été reçu, le 27 juin 2018, par le juge. C’est là qu’il lui avait fourni ce nouveau scénario : après une soirée raclette chez ses beaux-parents, lui et son épouse, ne seraient pas rentrés à leur domicile, contrairement à ce qu’il affirmait dans sa première version. Au cours de ce repas, Alexia aurait eu « une fois de plus » une « crise hystérique » et c’est Grégory Gay qui l’aurait étranglée, soi-disant pour la calmer ; afin d’étouffer l’affaire, la famille entière aurait scellé un pacte secret et agi en conséquence. En résumé, lui n’aurait eu aucune responsabilité dans le décès et dans ses suites.

C’est dans ce cadre que le juge d’instruction a convoqué, jeudi 4 juillet, les parents d’Alexia, Jean-Pierre et Isabelle Fouillot, sa sœur Stéphanie et son beau-frère Grégory Gay au palais de justice de Besançon où les auditions ont duré cinq heures. L’ensemble des personnes incriminées en sont ressorties libres en milieu d’après-midi. « Choqué », Grégory Gay a « démenti formellement » les accusations le visant. La mère d’Alexia a confié vivre « un véritable cauchemar ».

Une parole « très peu crédible »

Me Jean-Marc Florand, qui représente les parties civiles, n’a pas voulu aborder le fond du dossier, mais il a confirmé cette volte-face du meurtrier présumé dans un entretien exclusif à L’Est Républicain. Jonathann Daval « a considérablement modifié ses premières déclarations », a-t-il indiqué au quotidien régional.

« Alors qu’il s’était très peu exprimé sur les faits, et que ses propos ne correspondaient en rien aux constatations matérielles du dossier […] il a livré cette fois de longues déclarations à l’issue desquelles il évoque un huis-clos familial et un certain nombre de complicités. A ce stade, ces accusations très graves devront donner lieu à des vérifications précises. Car en l’état, elles ne sont absolument pas corroborées par les éléments de la procédure. »

C’est peu dire que les nouvelles affirmations de Jonathann Daval ont laissé sceptiques les enquêteurs. L’avocat de la famille également. « La parole de M. Daval est, à ce stade, très peu crédible », a considéré Me Florand dans ce même entretien. « Nous attendons avec impatience les expertises des psychiatres qui nous permettront de mesurer le crédit qu’il convient de donner à cette parole. »

Les gendarmes ont constaté qu’à plusieurs reprises le mis en examen avait tenté de « manipuler » ses interlocuteurs ou l’opinion, notamment lorsqu’il s’était affiché en « veuf éploré et inconsolable » devant les caméras le jour des obsèques d’Alexia. Mais l’affaire est suffisamment sensible, et certaines zones d’ombre sont trop persistantes, pour que le moindre aspect soit négligé. Le récit sera donc vérifié dans le moindre détail.

L’affaire Daval résumée en deux minutes
Durée : 02:23