Farouk Ben Abbes à son arrivée au tribunal correctionnel de Paris, le 4 juillet. / THOMAS SAMSON / AFP

Souvent soupçonné mais, jusqu’ici, jamais condamné, Farouk Ben Abbes, dont le nom est revenu régulièrement ces dernières années dans plusieurs dossiers terroristes, comparaît mercredi 4 juillet devant le tribunal correctionnel de Paris, pour avoir animé le site Ansar Al-Haqq, référence du Web djihadiste dans les années 2000.

Lui et trois autres hommes – dont l’un se trouve en Syrie – sont accusés d’avoir « endoctriné », « incité », voire « recruté » pour le combat armé et « [soutenu] ouvertement les combattants djihadistes et les organisations terroristes », dans une stratégie de « djihad médiatique » prôné notamment par Al-Qaida.

Farouk Ben Abbes, qui se présente libre devant le tribunal, nie toute incitation au djihad. Il affirme n’avoir fait que diffuser des informations sur le site Ansar Al-Haqq (les partisans de la vérité).

S’il comparaît pour la première fois dans une affaire de ce type, Farouk Ben Abbes est présenté comme une figure de la mouvance islamiste radicale. Proche du vétéran français du djihad Fabien Clain, il a notamment été interpellé après l’attentat du Caire de février 2009 – qui coûta la vie à une lycéenne française, Cécile Vannier –, puis mis en examen en 2010 dans le cadre du projet d’attaque visant le Bataclan, à Paris.

Des djihadistes francophones au Caire

Son parcours dessine celui du djihadisme franco-belge. Au milieu des années 2000, le djihadiste toulousain Fabien Clain, qui deviendra la « voix » des attentats du 13 novembre 2015 – il a été identifié, avec son frère cadet, dans le message de revendication de l’organisation Etat islamique – s’installe en Belgique. Il fait alors la connaissance de Farouk Ben Abbes, Belgo-Tunisien, et de Farid Benladghem, un ancien légionnaire français d’origine algérienne qui sera tué des années plus tard par la police belge, le 26 mars 2013.

Les trois hommes se retrouvent au Caire en 2007 au sein d’une petite communauté de djihadistes francophones. En février 2008, Farouk Ben Abbes et Farid Benladghem rejoignent la bande de Gaza.

Après plus d’un an passé dans les rangs de l’Armée de l’islam, un groupe terroriste palestinien proche d’Al-Qaida, Farouk Ben Abbes est interpellé à son retour en Egypte, le 3 avril 2009. Les services de sécurité égyptiens le soupçonnent d’être impliqué dans l’attentat qui a visé un mois et demi plus tôt une classe de lycéens français en visite d’agrément au Caire.

Le 23 mai 2009, le ministère de l’intérieur égyptien transmet aux services français une note selon laquelle il aurait avoué en détention avoir été missionné pour commettre des attaques en France. Des informations font alors état d’un projet contre des intérêts juifs à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) et la salle de spectacle du Bataclan, qui a accueilli plusieurs galas de soutien à l’armée israélienne.

Non-lieu pour le projet d’attentat contre le Bataclan

Farouk Ben Abbes est expulsé vers la Belgique le 8 mars 2010. Placé sous surveillance, il sera interpellé quelques semaines plus tard à la frontière franco-luxembourgeoise en compagnie de Farid Benladghem. Mis en examen en 20 juillet 2010, il affirme avoir été torturé par les services égyptiens et nie toute velléité terroriste.

Après deux ans d’instruction, le juge Christophe Tessier, estimant ne pas disposer d’éléments suffisants pour asseoir l’existence d’un projet d’attentat visant le Bataclan, prononce un non-lieu le 14 septembre 2012. Farouk Ben Abbes est libre. Il reste cependant mis en examen dans un autre dossier : celui du site djihadiste Ansar Al-Haqq.

Installé depuis sa libération à Toulouse, fief des frères Clain, il a été assigné à résidence le 17 novembre 2015, quatre jours seulement après les attentats de Paris, dans le cadre de l’état d’urgence. Une assignation qu’il violera à plusieurs reprises, ce qui lui vaudra d’être condamné, en mars 2016, à trois mois de prison.

A la fin de l’état d’urgence, en novembre 2017, après l’adoption d’une nouvelle loi antiterroriste, le Belgo-Tunisien fait l’objet d’une mesure de contrôle administratif et de surveillance. Il doit alors pointer trois fois par jour au commissariat de Toulouse.

Dans le cadre du procès qui s’est ouvert mercredi, Farouk Ben Abbes est notamment accusé d’avoir diffusé sur Ansar Al-Haqq l’ouvrage 39 Moyens pour servir le djihad et y participer, qu’il avait traduit, le 34e moyen étant le « djihad électronique ». Sur le forum, il signait chacun de ses messages de la formule : « Le djihad médiatique est la moitié du combat ».

Pour ses avocats, William Bourdon et Vincent Brengarth, Farouk Ben Abbes, « cristallise autour de lui depuis des années une fièvre médiatique et ce qui l’accompagne : un acharnement administratif ». Farouk Ben Abbes encourt dans ce dossier dix ans d’emprisonnement.