Documentaire sur Arte à 22 h 40

Tchad, Vietnam, Irlande du Nord, Sahara occidental, Afghanistan, Kosovo… Autant de lieux de souffrance et de chaos que la Française Christine Spengler a parcourus en tant que photographe de guerre, risquant sa peau à de nombreuses reprises. En 1974, son premier cliché du Vietnam, splendide – un enfant casqué dans l’eau avec un buffle en arrière-plan –, lui vaut les honneurs du New York Times et marque le début d’une longue carrière.

Ce beau documentaire fait de cette photographe de guerre le fil rouge d’un film rendant hommage à quelques-unes de ses consœurs. Celles qui se sont illustrées non seulement sur la ligne de front mais aussi à l’arrière, là où photographier les soldats au repos permet également de comprendre les douleurs, les doutes ou la peur.

Existe-t-il un regard spécifiquement féminin sur les conflits armés ? Pourquoi certaines femmes partent-elles si jeunes au front ? Des questions qui trouvent parfois des réponses. Tout commence avec Alice Schalek (1874-1956), devenue la première correspondante de guerre au monde.

Photographie prise par Gerda Taro à Barcelone en 1936. / SWR/GERDA TARO

Conservées dans les archives de la Bibliothèque nationale de Vienne, ses images sur les soldats autrichiens durant la première guerre mondiale sont remarquables. Passionnée d’alpinisme, Alice Schalek a notamment photographié le front sur les sommets enneigés des Dolomites. Et s’est souvent heurtée au mépris des élites masculines de l’époque.

Autre destin, plus connu, celui de Gerda Taro, née à Stuttgart en 1910 et morte à 26 ans, écrasée par un char durant la guerre civile espagnole. En 1933, pour échapper aux nazis, elle s’enfuit à Paris, où elle rencontre celui qui deviendra son grand amour, Robert Capa. Femme moderne, remarquable professionnelle, son travail en Espagne sera publié par les plus grands magazines de la planète. Ses photos de l’exode à Malaga, à la morgue ou de miliciennes à l’entraînement sont bouleversantes. La première femme à tomber au front dans l’exercice de son métier aura droit à des obsèques à Paris qui ressembleront à des funérailles nationales.

Le fils de la légendaire Lee Miller (1907-1977) a eu, lui, la surprise de découvrir un jour dans le grenier de la maison familiale, située dans le sud de l’Angleterre, 60 000 négatifs que sa mère avait pris soin de cacher. Un véritable trésor que ces clichés signés d’une femme hors du commun, que Picasso a peinte à six reprises et qui a vécu avec Man Ray. Lee Miller travaille pour Vogue mais veut absolument aller au front. « Pour moi, photographier la guerre, c’est du surréalisme devenu réalité ! » Ses photos prises en 1944 dans une Allemagne en train de s’écrouler sont passées à la postérité. Armée de son Rolleiflex, elle fixera les horreurs de Dachau et de Mauthausen comme l’intimité de l’appartement munichois du Führer.

Dans les tremblements du monde

Enfin, le documentaire rappelle le tragique destin de la jeune Française Camille Lepage, tuée en 2014 lors d’un reportage en Centrafrique. Sa mère raconte comment sa fille envisageait ce métier si dangereux. « J’avais peur mais, par amour, j’acceptais ses choix. Après son décès, j’ai découvert les conditions de son travail : elle prenait toujours soin de s’installer durablement avec les populations, elle vivait avec elles. »

Aujourd’hui, il y a paraît-il autant de femmes que d’hommes à photographier la guerre. A vivre les tremblements du monde « comme dans un tableau de Jérôme Bosch », selon Christine Spengler.

Femmes photographes de guerre, de Sigrid Faltin (Allemagne, 2016, 52 min).