Derrière cette décision d’ordre académique, c’est le profil des futurs médecins qui est en jeu. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

Une « petite révolution ». Le mot revient dans toutes les bouches des acteurs du monde de la santé. Le gouvernement a posé, jeudi 5 juillet, une première pierre dans sa réforme des études de médecine, en gestation depuis plusieurs mois. Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, et son homologue à la santé, Agnès Buzyn, ont annoncé la fin prochaine des épreuves classantes nationales (ECN), qui interviennent à l’issue de la sixième année de médecine pour déterminer la spécialité que rejoindront les futurs praticiens.

Derrière cette décision d’ordre académique, c’est le profil des futurs médecins qui est en jeu. Les ECN sont largement décriées depuis plusieurs années par les doyens de médecine et les étudiants, comme un examen trop « théorique » et éloigné des compétences des étudiants qui devraient être centrales pour décider de leur carrière.

A compter de 2019, ces ECN, que passent actuellement quelque 8 400 étudiants chaque année durant trois jours d’épreuves réalisées principalement sous la forme de QCM, sera remplacé par un nouvel examen des connaissances intervenant plus tôt dans leur cursus, à l’issue de la cinquième année d’études.

Compétences cliniques et relationnelles

Surtout, ce dernier ne sera plus seul à déterminer s’ils deviendront médecin généraliste, chirurgien, anesthésiste, psychiatre, etc. Alors que dans les ECN, les mieux classés choisissent en premier leur spécialité et la ville où ils réaliseront leur troisième cycle. Une nouvelle épreuve sera organisée à l’issue de la sixième année d’études, pour évaluer les compétences cliniques et relationnelles d’un candidat.

Dernier ingrédient de cette nouvelle manière de répartir les candidats dans les quarante-quatre spécialités de médecine : le parcours de l’étudiant sera lui aussi pris en compte, par exemple les stages effectués durant ses premières années d’études.

« C’est une évolution majeure », se réjouit Jean-Luc Dubois-Randé, doyen de médecine à l’université de Créteil et coauteur du rapport sur le deuxième cycle des études de médecine rendu au gouvernement en décembre 2017. « On change d’approche dans la formation de nos médecins en la rendant plus professionnelle, estime-t-il. Les étudiants pourront désormais réellement se consacrer à leurs stages en sixième année, alors qu’ils devaient jusqu’ici bachoter. »

Ce fonctionnement permet aussi de s’attaquer aux mal-être des étudiants de santé, que nombre d’enquêtes ont constaté ces dernières années. « Ces ECN participent grandement à la pression et l’angoisse qui pèsent sur nos étudiants », fait remarquer Jean-Luc Dubois-Randé.

Trouver un mode d’évaluation juste et égalitaire

Mais si le tableau général est désormais dressé, plusieurs questions délicates restent à trancher : comment seront évaluées concrètement ces compétences cliniques et relationnelles ? Quel poids aura chacune des épreuves dans le classement final ? « Le scénario qu’il reste à écrire est très important et compliqué », estime Jean-Baptiste Bonnet, président de l’Intersyndicale nationale des internes (ISNI), favorable à cette réforme. Pour lui, l’ensemble des tentatives de faire évoluer cet examen s’est heurté aux inquiétudes et aux désaccords pour trouver un mode d’évaluation juste et égalitaire entre les candidats.

La concertation ouverte avec les acteurs du monde de la santé va donc se poursuivre. Avec un dernier chantier explosif sur lequel les arbitrages n’ont pas encore été rendus par le gouvernement : celui du numerus clausus, nombre maximum de places en médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique, qui intervient comme un couperet à l’issue de la première année d’études de santé (Paces).

Des mesures législatives pour le réformer sont attendues au début de l’année 2019, a annoncé, en février, le premier ministre, Edouard Philippe, évoquant un « effroyable gâchis ».

Instituts de soins infirmiers : entrée sur dossier plutôt que sur concours, dès 2019

Les milliers de lycéens et d’étudiants qui se destinent au métier d’infirmier devraient être soulagés : les concours d’entrée organisés par les Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), qui recevaient chaque année quelque 180 000 candidatures (pour 31 000 places) vont être supprimés, à compter de 2019. L’annonce a été faite par les ministres de la santé et de l’enseignement supérieur, Agnès Buzyn et Frédérique Vidal, jeudi 5 juillet. Désormais, cette filière d’études effectuera son recrutement par une admission sur dossier, comme les autres formations universitaires, sur la plate-forme Parcoursup. Les étudiants infirmiers font aussi un pas de plus vers l’université, puisqu’ils disposeront désormais tous de la carte étudiante et de l’accès aux services universitaires (sport, culture…).

« Cela va permettre de mettre fin à cette sélection sociale des concours, qui étaient payants et pour lesquels de nombreux étudiants suivaient des prépas privées. C’était un cercle vicieux pour les familles », salue Ludivine Gauthier, présidente de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi). Reste à définir les modalités d’examen des dossiers des futurs candidats. « Nous voulons garder la pluralité des profils des étudiants infirmiers, qui sont souvent issus de catégories moins favorisées que dans d’autres filières d’enseignement supérieur », prévient la représentante de l’association étudiante.