« La nuit est tombée » à Abomey, comme le dit la formule. Le souverain de ce royaume du Sud du Bénin, Dah Dédjalagni Agoli-Agbo, est décédé lundi 2 juillet. Les circonstances de sa mort restent secrètes, respect de la tradition oblige, et son âge, 84 ans selon l’un de ses frères cité par l’AFP, demeure flou.

Tout comme la date de son intronisation à la tête de ce territoire constitutif de l’ancien royaume du Dahomey, dont Abomey était la capitale. La cérémonie s’était tenue au début des années 1990 mais secrètement, en raison des tensions au sein de la famille royale.

Une longue période de cohabitation et de disputes avec son rival Houédogni Gbèhanzin avait suivi, et ne s’était achevée qu’en 2010 par un nouveau couronnement de Dah Dédjalagni Agoli-Agbo.

Imposant, le visage orné d’un cache-nez en métal hérité du roi Glélé servant autrefois à protéger les narines royales de la poussière soulevée par les processions, l’ancien policier avait accepté sa charge royale une fois sa retraite acquise. Marié à 41 femmes, il recevait fréquemment des personnalités religieuses et politiques dans le palais royal Gbindo d’Abomey.

Si le roi a aujourd’hui perdu tout pouvoir politique, il conserve l’autorité religieuse et coutumière. « Aucune manifestation cultuelle ne peut se faire sans lui », explique l’historien Gabin Djimassé, conservateur des palais royaux et directeur de l’Office du tourisme d’Abomey, qui le décrit comme un « père spirituel ». Les dignitaires vaudou lui font allégeance, il préside diverses cérémonies traditionnelles et les politiciens béninois recherchent son soutien. Mais Dah Dédjalagni Agoli-Agbo mettait un point d’honneur à ne pas prendre position, estimant devoir être le « père de tous », raconte Gabin Djimassé.

« Il a redonné vie au palais royal »

Dès les années 1990, Dah Dédjalagni Agoli-Agbo a œuvré à la préservation de l’héritage ancestral d’Abomey, prêtant notamment de l’argent pour la rénovation des toits du palais. « Il a redonné vie au palais royal, raconte l’historien, et c’est sur la base de ce qu’il a fait que le musée du palais royal a pu être bâti. »

Les palais d’Abomey sont les témoins matériels de la grandeur passée du royaume du Dahomey, autrefois dirigé par Béhanzin, l’homme dont la gloire perdure pour avoir tenu tête aux troupes françaises de 1892 à 1894. Inscrits sur la liste du Patrimoine en péril de l’Unesco en 1985, l’engagement du monarque avait permis leur restauration et la valorisation en 2007 des lieux sur la liste du Patrimoine mondial. « C’était quelqu’un de conscient de son rôle de gardien de la mémoire », reconnaît Gaël de Guichen, conseiller du directeur général du Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM), à Rome.

Depuis l’annonce de sa mort, les hommages se succèdent. L’ancien président béninois Thomas Boni Yayi a salué « un grand roi avec un haut sens de responsabilité attaché à la paix et à la consolidation de notre démocratie ».

Léhady Soglo, ancien maire de la capitale économique Cotonou, souhaite quant à lui que « cette disparition ne soit pas source de nouveaux conflits ou de luttes de succession ». En l’absence de successeur désigné, l’inquiétude règne : trois lignées sont habilitées à occuper ce trône, et pour l’instant personne ne souhaite se prononcer sur la désignation du futur roi.

La nuit est tombée sur le royaume, et comme le veut la tradition, le palais reste silencieux. On ne dit pas que le roi est mort ni quand il sera enterré. On dit seulement qu’il est « parti à Allada ».