Le nom d’un groupe d’artistes n’est pas toujours révélateur de sa musique. Otis Stacks, actuellement en tournée en France dans plusieurs festivals de jazz, en est le meilleur exemple. Formé du rappeur et chanteur américain, Elias Wallace, et du producteur de musique danois, Justmike, ce duo a, en effet, voulu rendre hommage à l’icône soul des années 1960, Otis Redding, et à la maison de disques de Memphis, Stax, mais propose des chansons dont l’inspiration est bien plus récente.

Leur modèle, c’est le chanteur Frank Ocean, auteur en 2012 du sublime album Channel Orange, entre trip-hop et R&B, qui racontait dans ses textes son homosexualité ou se moquait des enfants de familles riches. Justmike et Elias Wallace sont alors tous deux membres du groupe danois Dafuniks. Leur hip-hop festif et funk ne convient plus aux deux musiciens qui rêvent de compositions originales et d’authenticité : « L’album de Frank Ocean a été un déclic, explique le chanteur américain, nous l’écoutions en boucle et Justmike, qui m’avait recruté comme rappeur au sein de Dafuniks, s’est mis à me proposer des compositions au tempo plus lent. Après avoir quitté notre groupe, nous nous sommes enfermés cinq jours en studio à Copenhague et nous avons enregistré neuf morceaux ».

Sujets sérieux

Dans Fashion Drunk, Little Pretty ou Never Stop, le chanteur laisse traîner sa voix blues sur des sujets aussi sérieux que l’éducation de sa fille aînée ou sa foi inconditionnelle en la justice sociale. Ce sont d’ailleurs la personnalité et le parcours atypique d’Elias Wallace qui apportent un grain particulier aux productions dans l’air du temps du Danois.

Le chanteur a grandi à Pasadena, en banlieue est de Los Angeles et l’avoue sans rougir : « Mon père était un dealer de drogue. J’ai grandi à cette époque, dans les années 1980 où il y avait énormément de violence à cause des trafics et de l’activité des gangs. Quand mon père est devenu chrétien, il a arrêté de dealer et s’est mis à faire trois à quatre jobs pour payer les factures. Comme on était pauvre, on habitait dans un quartier afro-américain. » Comme tous ses voisins noirs, Elias fréquente l’église, et participe à la chorale gospel.

Elias Wallace, chanteur : « Il suffit de changer le destin d’une personne dans une famille pour rompre le cycle de misère et de violence »

A l’adolescence, là encore par mimétisme, il se met à écouter du rap : NWA, Too Short « mais mes préférés, précise-t-il, ce sont les New-Yorkais, A Tribe Called Quest, très mélodique, plus jazzy ». A la maison, son père écoute du rock avec des influences blues : Led Zeppelin, The Doors… « Tout cela, avec la chorale gospel le week-end, a façonné ma voix », conclut-il.

Malgré un don certain, Wallace ne veut pas pour autant devenir rappeur ou chanteur tout de suite. Il s’accroche à ses études dans le Middle West. Il rêve de devenir directeur d’un programme social dans son quartier. Il sera finalement professeur à San Bernardino dans une autre communauté pauvre en périphérie de Los Angeles : « J’en ai eu l’exemple avec mon père : il suffit de changer le destin d’une personne dans une famille pour rompre le cycle de misère et de violence. Alors je me suis dit qu’en enseignant, je pouvais changer toute une génération. Ma musique, c’est pareil, je ne la conçois que si elle apporte du réconfort à ceux qui m’écoutent. »

Fashion Drunk, 1 CD Underdog Records. www.otisstacks.com

En concert le 5 juillet à Cognac (Charente), le 6 juillet à Segré (Maine-et-Loire) et le 10 juillet à Autrans (Isère). www.facebook.com/pg/weareotisstacks