Le premier ministre Edouard Philippe et le ministre de la transition écologique Nicolas Hulot, lors d’un comité interministériel de la biodiversité au Museum national d’histoire naturelle de Paris, le 4 juillet. / POOL / REUTERS

Editorial du « Monde ». La biodiversité, « tout le monde s’en fiche », avait lancé Nicolas Hulot aux députés, au mois de mars, en les appelant à un « sursaut d’indignation » devant l’extinction du vivant. « Moi, ça ne me provoque pas de la peine, pas de la colère, [mais] de la honte », ajoutait le ministre de la transition écologique et solidaire. « Non, tout le monde ne s’en fiche pas, et certainement pas ce gouvernement », lui a répondu le premier ministre, Edouard Philippe, à l’issue d’un comité interministériel de la biodiversité réuni, mercredi 4 juillet, au Museum national d’histoire naturelle. Une première dans l’histoire politique française.

En elle-même, la présence d’une douzaine de ministres au chevet de la biodiversité est un signal fort. Elle montre que plus personne – jusqu’au sommet de l’Etat – ne peut continuer à ignorer, ou feindre d’ignorer, que la nature se meurt en silence, sous nos yeux. L’humanité est la première concernée. Non seulement parce qu’elle est responsable de l’épuisement de la planète, mais aussi parce qu’elle a destin lié avec l’ensemble du vivant.

Les scientifiques ne cessent d’alerter sur cette folie autodestructrice. Au rythme actuel, rappelle Nicolas Hulot, « entre 40 % et 50 % du vivant pourrait avoir disparu de la surface du globe au milieu du siècle ». Plus de la moitié des terres de la planète sont déjà dégradées, devenues impropres à nourrir les hommes et à héberger la vie.

La France n’échappe pas au désastre annoncé : les populations d’oiseaux des champs ont chuté d’un tiers au cours des deux dernières décennies, les chauves-souris ont perdu 40 % de leurs effectifs en dix ans, les insectes de nos campagnes sont décimés, près d’un tiers des récifs coralliens sont en régression.

C’est à ce déclin massif que doit s’attaquer le plan d’action pour la biodiversité présenté par le gouvernement. Il faut à cet égard saluer le fait qu’il ne repose pas sur les épaules du seul ministre de la transition écologique, mais qu’il soit porté par l’ensemble de l’exécutif.

Il faut aussi se féliciter de l’ambition affichée, qu’il s’agisse de « reconquérir la biodiversité dans les territoires », de « construire une économie sans pollution », de « protéger et restaurer la nature dans toutes ses composantes », ou de « renforcer l’éducation et la formation à la biodiversité ».

Il n’est plus temps de tergiverser

Encore convient-il que le gouvernement se donne les moyens de cette ambition. Or, déplorent les ONG environnementales, le compte n’y est pas. Edouard Philippe et Nicolas Hulot ont promis 600 millions d’euros de « crédits d’Etat supplémentaires », sur quatre ans, pour mettre en œuvre ce plan. Mais ces fonds seront pour partie prélevés sur le budget des agences de l’eau, ou correspondent, pour une autre partie, à des financements déjà annoncés. Surtout, estiment les associations, ils ne sont pas à la hauteur d’une cause que l’exécutif veut placer au même niveau que la lutte contre le changement climatique.

Les causes de la disparition du vivant sont pourtant connues. « Parmi les principales menaces, note l’Observatoire national de la biodiversité, on trouve en premier lieu la consommation de pesticides en agriculture. » S’y ajoutent le bétonnage des terres et l’étalement urbain, la pollution chimique, lumineuse et sonore, ainsi que le réchauffement.

Face à l’effondrement de la biodiversité, annonciateur de celui des sociétés humaines, il n’est plus temps de tergiverser, de lésiner ou de se payer de fortes paroles. On ne marchande pas avec la vie.