Paris. / THOMAS SAMSON / AFP

Les métropoles françaises, qui se veulent en pointe dans la lutte contre le réchauffement, aiment répéter que c’est dans les villes que se gagnera la bataille du climat. Si l’on en croit le WWF (Fonds mondial pour la nature), au rythme actuel, cette bataille est perdue. L’organisation de défense de l’environnement publie, vendredi 6 juillet, à l’occasion du premier anniversaire du Plan climat porté par Nicolas Hulot, une étude sur « le défi climatique des villes ».

Etabli avec la société de conseil, EcoAct, le document met en lumière, pour la première fois, le « budget carbone » des dix plus grandes métropoles françaises au regard à la fois de l’objectif national d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et de l’accord de Paris, adopté lors de la COP21, de maintenir le réchauffement global en dessous de 2 °C, voire de 1,5 °C.

Le budget carbone désigne la quantité maximale de gaz à effet de serre que l’humanité peut encore émettre avant de dépasser l’objectif de limitation du réchauffement. Ce plafond a été estimé pour la première fois par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) en 2013. Pour leur étude, le WWF et EcoAct ont décliné ce budget carbone à l’échelle de la France, puis au niveau des dix premières métropoles, dans lesquelles vivent 20 % des Français.

« Près de quinze ans de retard »

Ils ont ensuite passé au crible les engagements des villes pour estimer l’évolution de leurs émissions jusqu’en 2050. Conclusion : « Sur la base de leurs engagements actuels, les métropoles ont près de quinze ans de retard pour l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 », écrit Pascal Canfin, le directeur général de WWF France.

Au rythme actuel, si elles ne revoient pas leurs ambitions, les dix agglomérations retenues auront épuisé leur budget carbone en 2036 pour un objectif de 2 °C, et dès 2022 pour une limite de réchauffement à 1,5 °C. La métropole du Grand Paris est l’une de celles où l’urgence est la plus forte, avec une échéance à 2025 pour un objectif de 2 °C, contre 2031 pour Lille et Lyon, 2039 pour Bordeaux. Pour corriger le tir, les métropoles doivent prendre des mesures immédiates et doubler ou tripler le niveau de leurs ambitions à l’horizon 2030, estime le WWF : « Tout retard pris à court terme rendra difficile, voire impossible le respect de son droit à émettre. »

« Les villes sont un écosystème très important pour la politique climat, elles concentrent 67 % des émissions de gaz à effet de serre en France, explique Pierre Cannet, responsable du programme climat au WWF France. Beaucoup de villes se sont fortement mobilisées, avec des engagements sur la neutralité carbone, sur les énergies renouvelables, une dynamique existe. Mais ce n’est pas suffisant, ça va trop lentement. La question des prochains mois, c’est comment massifier la décarbonation avec des solutions déjà existantes, sans attendre des innovations qui changeraient tout. »

« Ce sera un travail énorme »

Au moment où nombre de ces métropoles discutent de leur plan climat-air-énergie territorial, un projet de développement durable obligatoire avant la fin 2018, le WWF et EcoAct proposent à ces collectivités des scénarios de réduction drastiques de leurs émissions de gaz à effet de serre, en agissant sur l’énergie, les transports, les bâtiments, les déchets, l’alimentation…

Un objectif illusoire ? « Tout n’est pas perdu, il est possible de frôler le zéro émission et de compenser le peu qui reste par du stockage de carbone, en changeant les pratiques agricoles et la gestion des forêts, mais ce sera un travail énorme, on n’est qu’au début du virage », assure M. Cannet.

Pour le WWF, qui accompagne la métropole de Rouen-Normandie dans une « COP21 » locale pour impliquer tous les acteurs dans un processus débouchant sur un engagement contractuel, cette transition nécessitera une multiplication de partenariats locaux entre les collectivités, les acteurs économiques, le milieu rural environnant… et le gouvernement. « L’Etat doit aider les métropoles à tenir leurs objectifs en renforçant les moyens attribués à la transition écologique des territoires », plaide M. Cannet. Les maires demandent ainsi qu’une partie de la contribution climat énergie soit fléchée vers les collectivités.