Nicolas Hulot visite un parc éolien, à Juillé (Sarthe), le 8 janvier. / POOL / REUTERS

Un point d’étape, certes, mais pas encore un bilan d’ensemble du plan climat de Nicolas Hulot. L’exercice auquel s’est livré le ministère de la transition écologique et solidaire, vendredi 6 juillet au matin, à l’occasion du premier anniversaire de la feuille de route dévoilée à l’été 2017, n’était pas des plus faciles. Car ce plan interministériel orchestré par le numéro trois du gouvernement s’inscrit dans la durée du quinquennat et dessine une perspective de long terme : il vise à mettre la France sur la voie de la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Or les échéances sortent largement du cadre du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron. La fin de la production d’énergie fossile en France (traduit dans la loi hydrocarbures adoptée le 31 décembre 2017) comme celle de la vente de véhicules émetteurs de gaz à effet de serre – deux axes forts du plan climat – sont programmées à l’horizon 2040. L’objectif de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, autre enjeu important, est fixé à 2030.

« Pour l’instant, le changement n’est pas à l’échelle », a reconnu Nicolas Hulot, invité à ouvrir la séquence, poursuivie l’après-midi par quatre ateliers sur l’innovation, l’économie circulaire, les énergies renouvelables et le système agricole. A l’autosatisfaction, l’ancien militant écologiste a préféré un état des lieux « franc, honnête et transparent, un dialogue sans complaisance ». « Malgré la mobilisation de tous les acteurs, le découplage entre les activités économiques et les émissions de gaz à effet de serre n’est toujours pas là, a-t-il insisté, avant de rejoindre le conseil des ministres. Les émissions de gaz à effet de serre sont le thermomètre de la santé de notre planète et de notre capacité à transformer l’accord de Paris en une réalité. »

Pétrole à bas prix

Les nouvelles planétaires ne sont pas bonnes puisque ces émissions d’origine humaine sont reparties à la hausse en 2017. A en juger par les chiffres communiqués le 6 juillet par le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), la situation est tout aussi préoccupante pour le patient français. Si les émissions des principaux gaz à effet de serre enregistrent globalement une tendance à la baisse de l’ordre de 17 %, sur la période 1990-2017, le total de l’année écoulée (estimé à 466 millions de tonnes équivalent CO2) est en revanche en progression en France de près de 2 % par rapport à 2016.

Poussant leur observation dans le détail, les experts du Citepa se sont livré à une analyse sectorielle. Les émissions agricoles et sylvicoles, supposées diminuer de 5 % entre 2013 et 2017, sont quasiment constantes, en raison notamment de l’augmentation de l’utilisation des intrants (engrais azotés en hausse de 0,8 % en 2016) et de la hausse du cheptel bovin.

Les émissions émanant des transports ont elles aussi augmenté (+ 1,5 % en quatre ans), compte tenu de la densification du trafic routier dopé par un pétrole à bas prix. Indépendamment de ces facteurs conjoncturels, ce secteur est marqué par une « très forte inertie », estiment les experts du Citepa. Ils citent en exemple la flotte des voitures individuelles diesel, qui diminue de 70 000 véhicules par an, mais sans effet significatif à l’intérieur d’un parc de près de 21 millions de véhicules particuliers en France.

Le plan climat devra inverser aussi la tendance dans la production d’énergie, où les émissions ont grimpé continuellement de 2014 à 2017, du fait des conditions climatiques et d’arrêts imprévus dans le parc nucléaire, compensés par un plus grand recours aux centrales à charbon. Le charbon, qui ne contribue qu’à hauteur de 2 % du mix électrique français, représente encore 25 % du total des émissions du secteur.

« Gages de crédibilité »

« Notre économie se désintoxique peu à peu des énergies fossiles », veut tout de même croire Nicolas Hulot, dont le plan climat programme la fermeture des quatre dernières centrales à charbon d’ici à 2022. Au rayon des bonnes nouvelles, le ministre de la transition écologique et solidaire a mentionné également le « véritable succès » de la prime à la conversion de véhicules anciens pour des modèles neufs et peu polluants (prime de 2 000 euros pour les ménages non imposables, de 1 000 euros pour les autres). Quelque 75 000 propriétaires ont déjà bénéficié de ce dispositif, qui cible un objectif de 500 000 voitures durant le quinquennat.

La généralisation du chèque énergie (revalorisé de 150 à 200 euros en 2019) devrait aider 4 millions de ménages en situation de précarité énergétique, retient encore le ministre. Il s’agit de l’une des douze mesures prioritaires de cette première année de déploiement de son plan climat.

Les ONG lui opposent « douze gages de crédibilité », pour donner plus de place à la lutte contre le réchauffement climatique dans l’action gouvernementale. Ils suggèrent ainsi la création d’un fonds vélo doté de 200 millions d’euros, la division au moins par deux des émissions du secteur agricole à l’horizon 2050 ou le renoncement aux grands projets destructeurs de forêts, dont le complexe minier de la Montagne d’or en Guyane.

Après une année de plan de lutte pour limiter les gaz à effet de serre, « on est encore loin du compte, estime Morgane Créach, la directrice du Réseau action climat. L’ambition sur le climat s’arrête là où commence l’intérêt de quelques acteurs, notamment dans le secteur de l’énergie ».