Hugo Lloris a brillé contre l’Uruguay. / JOHANNES EISELE / AFP

Le football reste un jeu de mains, jeu de gardiens. Un sport de garnements dont ce France-Uruguay offre un joli cas d’école. D’un côté et de l’autre, Hugo Lloris et Fernando Muslera, deux grands enfants de 31 et 32 ans. Le Français a arrêté un ballon, l’Uruguayen en a laissé filer un autre. Le premier file en demi-finales du Mondial, le second s’arrête en quarts.

Vendredi 6 juillet, Lloris jouait dans la ville fortifiée de Nijni Novgorod, et il a fait honneur à son rôle de dernier rempart. Les Bleus doivent à leur capitaine une bonne partie de cette victoire (2-0) qualificative pour leur demi-finale, qu’ils disputeront le 10 juillet contre la Belgique, à Saint-Pétersbourg.

Jamais avare en phrases toutes faites, le langage du football a son hyperbole pour désigner un but encaissé juste avant ou après la mi-temps. Il s’agirait du « pire moment », selon l’expression consacrée. Celui qui ferait le plus gamberger, celui qui instillerait le plus le doute.

Ce pire moment, vendredi, le Français lui a fait barrage de tout son long : à l’horizontale ! A la 44e minute, Martin Carceres s’élève, dévie de la tête un coup franc… et puis rien. Le défenseur uruguayen pensait offrir le but de l’égalisation à son équipe, alors menée 1-0 depuis quatre minutes et une autre tête d’un défenseur sur coup franc, celle de Raphaël Varane. Il pensait, mais il a trouvé un gardien prompt à jaillir jusqu’à son poteau droit. Puis à se relever aussi sec, pour empêcher Diego Godin de frapper à son tour dans le cadre.

Kylian Mbappé a vu toute la scène et l’avant-centre des Bleus s’en souviendra encore longtemps, parole de gamin de 19 ans : Hugo Lloris, selon le jeunot, « a montré qu’il est un gardien qui restera dans l’histoire de l’équipe de France. » En temps de Coupe du monde, toute parade de cet ordre renvoie évidemment à celle de Gordon Banks, parfois qualifiée d’« arrêt du siècle » (précédent). En 1970, l’Anglais détournait une tête du Brésilien Pelé, qui eut ce mot génial : « J’ai marqué un but mais Gordon Banks l’a arrêté. »

Aujourd’hui, comment raconter l’envol de Lloris, l’ancien « aiglon » niçois ? Didier Deschamps, son sélectionneur, évoque d’abord un « superbe arrêt ». Avant de se reprendre : « Ce n’est pas un arrêt, c’est presque un but » que le gardien aurait marqué pour la France, par le fait même qu’il a empêché les Uruguayens d’en inscrire un. Lui aussi, Kylian Mbappé a « vu la balle au fond » jusqu’à ce que son coéquipier l’en dévie. L’attaquant s’apprêtait déjà « aller chercher le ballon » dans les cages françaises pour redonner le coup d’envoi.

Humble, mais confiant

Le football a ceci de cruel qu’il a mis le destin inverse entre les mains du gardien uruguayen. En deuxième période, le Français Antoine Griezmann frappe hors de la surface. Une frappe banale comme Fernando Muslera, demi-finaliste du Mondial 2010, en a déjà repoussé des dizaines et des dizaines. Sauf ce vendredi-là, maudit vendredi où le ballon a décidé d’échapper à ses mains savonneuses. A l’heure de jeu, les Bleus mènent alors 2-0, score final.

A le voir après le match, la situation embarrasse plus qu’autre chose Hugo Lloris, toujours gêné aux entournures de son survêtement lorsqu’il s’agit de parler de lui. Son sauvetage décisif ? « Un fait de jeu », relativise-t-il. Puis, cette concession : « Un fait de jeu déterminant, on va dire. A partir du moment où on a pris l’avantage, il fallait le garder avant la mi-temps. »

Plus à l’aise avec les tournures impersonnelles, le gardien de Tottenham insiste : « Tout le monde a fait un grand match. On a été très solide et présent dans les moments importants du match. Les quatre défenseurs ont été très forts dans les duels. » La rencontre avait valeur de « vrai test sur le secteur défensif : en face, il y avait de grands joueurs. »

Parmi tous ses jeunes coéquipiers, le trentenaire a l’expérience pour apprécier le moment. Le souvenir, aussi, de matchs moins réjouissants. En juin 2017, sa relance ratée causait la défaite des Bleus en Suède et hypothéquait leurs chances de qualification pour le Mondial. Plus récemment, son placement malheureux sur un but des Etats-Unis lui valait de nouvelles critiques à l’issue d’un match amical, quelques jours avant le début du tournoi.

Aujourd’hui, voilà Hugo Lloris de nouveau en confiance, malgré les trois buts encaissés en huitièmes de finale contre l’Argentine. Ironie du sport, il compte à ce jour exactement le même nombre de matchs en équipe de France que Fernando Muslera avec l’Uruguay. A l’inverse de son confrère, le capitaine des Bleus pourra toutefois disputer le 103e dès la semaine prochaine face aux Belges, pas les moins dangereux. Voire un 104e en cas de finale. Le trophée est plus que jamais à portée de main.