LE TSAR DU JOUR

Raphael Varane lors de son troisième essai au concours de lancer de javelot sans javelot. / JASON CAIRNDUFF / REUTERS

On l’avait laissé la tête entre les mains, après l’élimination en quarts de finale 2014 contre l’Allemagne, pris en défaut sur le but de Hummels. Son quart de finale, Raphaël Varane rêvait d’en être le héros, pas le fautif. Il l’a finalement été, en marquant le premier but contre l’Uruguay, lançant les Bleus sur le chemin de la victoire (2-0).

On cherche encore, dans la forêt de maillots bleu ciel, comment le défenseur du Real Madrid est allé placer l’extrémité haute de son cuir chevelu, à quelques-uns ou deux centimètres plus haut que son vis-à-vis, pour aller placer le cuir (pas chevelu, cette fois) dans le coin droit des filets de Muslera, le gardien uruguayen.

Qu’importe. L’important, c’est que l’histoire est belle : c’est justement de la tête que Varane avait été battu par Hummels il y a quatre ans. Face aux redoutables athlètes de la Celeste, si majestueux dans le jeu aérien, Varane a réussi à faire faufiler son ombre, juste un nuage, pour inscrire ce but si précieux, qui fait de lui l’un des (nombreux) héros de ce quart de finale.

Varane décochant une tête victorieuse contre l’Uruguay (Michelangelo, chapelle Sixtine, 1508–1512) / Hassan Ammar / AP

Et dire que le vétéran de la campagne brésilienne de 2014 est encore jeune. Comme le fait remarquer avec ferveur le quotidien sportif madrilène Marca, « Varane a 25 ans, 4 Ligues des Champions à son palmarès et la saison qui vient, il sera l’un des capitaines du Real Madrid [si Cristiano s’en va]. S’il remporte le mondial, qui lui refusera la possibilité de devenir le meilleur défenseur central de l’histoire du football ? » Pas nous.

LA MÈRE PARTIE

Le problème des équipes qui ont déjà atteint leurs objectifs, c’est qu’elles en veulent toujours plus. Vous leur donnez le huitième de finale ? Elles demandent la demie. Prenez la Russie. Piètre 70e au classement FIFA, aucun tour passé lors de ses cinq dernières participations, sept matchs d’affilée sans victoire avant le début du mondial. Et voilà que la Sbornaya a l’occasion, samedi 16 heures contre la Croatie, de rallier les demi-finales de la Coupe du monde pour la première fois depuis 1966.

Fin de notre Mondial dans 5... 4... 3... / Manu Fernandez / AP

Le pire, c’est que les Russes n’ont pas volé leur place en quart de finale. Loin de l’arbitrage favorable de la Corée du Sud à domicile en 2002, les joueurs emmenés par Stanislav Tchertchessov ont eu un parcours crédible : des victoires convaincantes contre la très faible Arabie saoudite (5-0) et une Egypte diminuée (3-1), une rouste méritée contre l’Uruguay (0-3), et une qualification aux tirs aux buts en huitièmes de finale face à une Espagne inoffensive.

Avant chaque match de leur Coupe du monde, les défenseurs russes font des exercices d’étirement de leurs six bras. / Manu Fernandez / AP

Face à la redoutable Croatie de Modric et Rakitic, chefs d’orchestre du Real Madrid et du FC Barcelone, la Russie aura cette fois fort à faire. En jeu, une demi-finale contre la Suède ou l’Angleterre, soit au, choix, le plus proche équivalent 2018 de la Grèce en 2004 ou les éternels champions du monde de l’élimination surprise.

DU CÔTÉ DE CHEZ VLAD

Bug de Griezmann, se demandant s’il a marqué contre son camp en scorant dans les filets de l’Uruguay. / Ricardo Mazalan / AP

Bon, mais alors, il est Uruguayen ou il est pas Urugayen, Grizou ? Le Français jure qu’il se sent moitié charrúa ; Luis Suarez estime que non, et durant les premières minutes d’une rencontre dont il a finalement été élu homme du match, on a senti notre Céleste à nous un peu paumé.

L’attaquant de l’Atletico de Madrid et son peuple de cœur se sont même échangé les politesses sur la pelouse. D’abord Muslera, qui de manière très urbaine, a laissé rentrer dans ses cages le tir de Grizou pour le 2-0 français. Puis Grizou lui-même, en ne célébrant pas sa réalisation face aux coéquipiers adopteurs, tel un Mowgli gêné de marquer contre le F.C. ours en quarts de finale de Coupe du monde. Une retenue saluée par Ovacion Digital, un des principaux quotidiens du pays. Le n° 7 des Bleus s’en est expliqué :

« Je n’ai pas célébré mon but car depuis mes premiers pas en pro, il y a toujours eu un Uruguayen pour me faire découvrir les choses, bonnes ou mauvaises. J’avais des amis en face aussi et j’ai trouvé que c’était normal de ne pas fêter mon but. »

La FIFA devra tout de même trancher pour savoir si le but de Griezmann est un contre son camp ou non.

L’ŒIL DE MOSCOU

C’est l’autre héros du bel après-midi français : Hugo Lloris n’a rien laissé passer, ni les libellules qui tentaient de rentrer dans sa bouche, ni la tête de Caceres qui voulait rentrer dans ses buts. Depuis, le portier bleu est qualifié de superhéros, Libellule Man.

LLoris après l’ingestion de la libellule magique le transformant en superhéros, Libellule Man. / FRANCK FIFE / AFP

KOMINTERN

La Coupe du monde est surtout l’occasion pour les journalistes de recevoir une flopée de communiqués sans intérêt. Mais ce serait bête qu’ils meurent oubliés dans nos spams.

On se moque suffisamment assez ici des annonceurs pour ne pas saluer le talent quand il s’exprime. Ainsi de cette « start-up qui fait tourner ses algorithmes d’intelligence artificielle et de deep learning pour comprendre nos habitudes de consommation durant les matchs de l’équipe de France », et qui a choisi le 6 juillet 2018, jour de qualification de la France et de la Belgique, pour titrer sur « Les Français et la bière ». Le talent, on vous disait.

Quand tu te souviens qu’il te reste une blanche au congélateur. / Matthias Schrader / AP

Bon, le génie ne va pas beaucoup plus loin, puisqu’on y apprend, par exemple que « les Bobos Bio se concentrent sur les marques de bière bio » (mais aussi sur une bière corse) et « les clients les plus sensibles au prix vont sans surprise se tourner vers les bières les moins chères ». Merci Sherlock, vive le deep learning.

Autre information capitale, « les familles avec un bébé boivent moins que les autres mais elles choisissent des bières en bouteille relativement premium ». C’est qu’il faut bien les élever dès le plus jeune âge pour leur faire le palais, mon bon monsieur.

POUCHKINE BALL

La Gazette est toujours poète. Aujourd’hui, des mots d’Alexandre Pouchkine, qui était en train de siroter une grenadine en terrasse quand il a vu passer le déboulé du bulldozer belge Lukaku contre le Brésil pour le second but des Diables rouges. Il a été impressionné.

A gauche, un TER de campagne brésilien. A droite, un TGV belge. / TORU HANAI / REUTERS

Tu parcours sur ton char la muette cité,
Versant aux malheureux, dans ta course nocturne,
Le sommeil, doux breuvage échappé de ton urne,
Et regardant au loin, comme un rigide éclair,
L’Amirauté dressant son aiguille dans l’air.
Alors, de notre ciel par ton souffle effacé,
Vers le noir occident l’ombre semble chassée,
Et l’on voit succéder, de la main se touchant,
La pourpre de l’aurore à celle du couchant.

Alexandre Pouchkine – Le cavalier de bronze

Russia Today

Les matchs du jour (à suivre en direct sur Le Monde. fr) :

Russie - Croatie à 16 heures

Suède - Angleterre à 20 heures

Notre sélection d’articles pour suivre la Coupe du monde 2018

Retrouvez les contenus de référence du Monde.fr sur la Coupe du monde de football en Russie (du 14 juin au 15 juillet) :

Toutes nos vidéos :