Ces derniers mois, Emmanuel Macron a été un objet d’étude inédit pour les sondeurs. Contrairement à ses prédécesseurs, impopulaires après quelques mois d’exercice du pouvoir, le président de la République résistait dans les études d’opinion. Il arrivait à maintenir une cote de popularité honnête des deux côtés de l’échiquier même si sa politique était perçue plus à droite qu’à gauche. Depuis quelques semaines, les sondages racontent une autre histoire, un peu moins originale. Celle d’une opinion qui commence à épouser les contours de l’action du gouvernement.

Cela fait un moment qu’au regard des Français, les deux jambes du président ne font plus exactement la même longueur. Mais ils en tirent désormais les conséquences : Emmanuel Macron plaît moins aux sympathisants socialistes. Et s’il séduit encore dans les rangs de droite, certains sondages récents montrent une érosion parmi cet électorat.

Certes, le socle électoral du chef de l’Etat est solide, comme se plaît à le répéter son entourage. Tous les sondages le disent : près de 80 % de ceux qui ont voté pour lui au premier tour du scrutin présidentiel de 2017 (24,01 % des votants) lui restent acquis. Mais le centre de gravité de ce socle a évolué. Aujourd’hui, explique Chloé Morin, directrice de l’Observatoire de l’opinion à la Fondation Jean-Jaurès, « près de 70 % des électeurs du premier tour d’Emmanuel Macron se déclarent de centre ou de centre-droit ». C’est bien plus que le 23 avril 2017, quand plus de la moitié d’entre eux étaient issus des rangs socialistes.

« Une bonne partie des électeurs de Macron venus de la gauche semblent le suivre dans le glissement à droite qu’ils perçoivent de sa politique », conclut Chloé Morin.

Par ailleurs, Emmanuel Macron reste populaire auprès d’un peu plus d’un tiers des Français. Un score certes en baisse, qui se rapproche du creux de l’été 2017, mais qui ne marque pas non plus un effondrement. « Au même moment de leur quinquennat, Nicolas Sarkozy faisait à peu près autant, François Hollande avait plus baissé, commente Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies d’entreprise de l’IFOP. Ça n’est donc pas si mal, mais l’état de grâce s’est dissipé. »

« On ne peut pas gérer la France comme un commando »

S’ils n’ont pas déserté, les sympathisants socialistes s’éloignent doucement. Selon le baromètre Ipsos-Le Point publié le 27 juin, 35 % d’entre eux restent favorables à Emmanuel Macron, contre près de 44 % deux mois plus tôt. La promesse présidentielle du « en même temps » a perdu de sa crédibilité à leurs yeux. Et ils apprécient peu l’exercice très vertical du pouvoir élyséen, en contradiction avec les promesses d’horizontalité de la campagne. « Notre histoire, c’est une histoire de commando dans la conquête, mais on ne peut pas gérer la France comme un commando », admet un intime du président.

« Les Français retiennent plus la baisse de l’ISF, la “flat tax” sur les revenus du patrimoine, ou la baisse de l’impôt sur les sociétés que la réforme de la formation ou le dédoublement des classes de CP, explique Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. Ils ont aussi le sentiment que la politique du gouvernement profite immédiatement aux riches quand eux doivent attendre avant d’en voir les résultats. »

Récemment, la manière dont Emmanuel Macron a géré la crise de l’Aquarius ou sa vidéo sur « le pognon de dingue » que dépense le pays pour la protection sociale ont sans doute accentué cette désaffection. Tout comme son recradrage d’un adolescent qui l’apostrophait d’un « Salut Manu », ou sa petite blague sur « la mafia des Bretons » lors de sa visite au Vatican. « D’une certaine manière, poursuit Chloé Morin, Emmanuel Macron est de plus en plus rattrapé par les vieilles grilles de lecture gauche-droite… »

« Pour les personnes de gauche, l’expression “président des riches” colle à Macron. Il reste haut dans les sondages mais il y a une tendance. Les Français qui ne sont plus attentistes nous quittent, admet un ministre. Il faut qu’on se réapproprie le “en même temps”. Si on pense que le “en même temps” ça ne marche plus, on est mort. »

A droite, en revanche, la politique d’Emmanuel Macron plaît. Selon le baromètre Ipsos-Le Point, 44 % des sympathisants Les Républicains (LR) avaient en juin un jugement favorable sur le président, contre 29 % en mai. Sauf que certains sondages, publiés ces derniers jours, montrent une baisse très nette à droite.

Dans l’enquête Kantar Sofres-OnePoint publiée dans Le Figaro Magazine vendredi, le chef de l’Etat voit sa cote de confiance baisser de 6 points au sein de l’électorat LR et de 12 points chez les retraités. Sans doute en partie à cause de cette photo où l’on voit le président poser avec des danseurs transgenres à l’Elysée le soir de la Fête de la musique ou à cause des craintes des plus de 50 ans sur l’avenir des pensions de réversion… « La grande chance d’Emmanuel Macron, c’est qu’il n’y a pas d’offre politique crédible, commente un ancien membre de son équipe de campagne. Mais ça ne durera pas éternellement. »