Ils sont toujours en colère, et ils veulent le faire savoir. Les usagers de la route ne semblent pas digérer l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h, effectif depuis le 1er juillet sur les routes à double sens sans séparateur central. C’est en tout cas ce que montrent les dégradations de signalisation, qui ont été repérées dans divers départements depuis une semaine. Panneaux tagués, recouverts ou tout simplement qui se sont volatilisés… La presse locale a rapporté plusieurs incivilités sur les routes au lendemain de l’entrée en vigueur de la mesure, et dans les jours qui ont suivi. Elles concernent les panneaux de changement de vitesse mais aussi les radars fixes, qui ont été reprogrammés pour flasher les automobilistes dès que la limite des 80 km/h est dépassée.

Dans l’Ain, six panneaux, dont deux annonces de contrôle par radar, ont été arrachés de leur emplacement et sont dans la nature. La situation n’est pas alarmante, mais elle est inédite, selon le président du conseil départemental, Jean Deguerry, qui comprend le ras-le-bol des usagers : « Ce qu’on voit, c’est qu’ils sont déboussolés ; ils ont le sentiment que la mesure vise à leur prendre encore de l’argent. » Au-delà du coût du changement des panneaux 90 km/h, déjà assumé en partie par la collectivité – comptez 100 euros pour la commande et l’installation d’un panneau –, il faudra y ajouter les frais de remplacement pour les supports volés, lequel ne sera achevé que dans une dizaine de jours, « le temps d’en commander des nouveaux ». Une attente qui pourrait créer de la confusion chez les automobilistes qui, en l’absence de signalisation, ne sauraient pas à quelle vitesse ils doivent rouler.

La fronde continue dans les départements

Du côté des collectivités, les mécontents d’hier le sont toujours aujourd’hui. Les élus locaux continuent de dénoncer une politique unilatérale du gouvernement, décidée depuis Paris, sans concertation avec les territoires. En Corrèze le 1er juillet dernier, le président du département Pascal Coste avait choisi de ne pas installer de nouvelle signalisation mais de coller des stickers sous les panneaux de fin de limitation à 90 km/h, précisant aux usagers : « Le nouveau monde vous demande de ralentir. » Une semaine après la mise en place de la législation, il assure que ces messages à caractère humoristique, qui concernent actuellement 47 supports, sont « définitifs », et qu’il ne les remplacera pas par des panneaux 80 km/h. « On a fait ce qu’on avait à faire, en prévenant les gens à notre manière, assène-t-il. Et d’ajouter, sarcastique : « Reste à voir si le chef de l’Etat a de l’humour corrézien comme ses prédécesseurs », ajoute le président du département, sarcastique.

Pascal Coste légitime d’autant plus ce bras de fer que les premières conclusions de la préfecture du département confirmeraient ses doutes. « Ce qu’on a constaté, c’est que les gens qui roulaient vite continuent à le faire, et ceux qui respectaient la limitation respectent maintenant la nouvelle. En revanche, pour ceux qui faisaient des excès de vitesse, ils sont encore plus grands aujourd’hui. » Sur le ton provocateur qu’on lui connaît désormais, il renchérit : « A 80 km/h sur les routes de campagne, on a le temps de lire le journal ! »

Puisque nul n’est censé ignorer la loi, aucune excuse ne sera en tout cas acceptée par les forces de l’ordre, qui sanctionnent les automobilistes en excès de vitesse d’une amende, et du retrait d’au moins un point sur le permis de conduire.