Peter Sagan au moment où il comprend qu’il s’est imposé. / BENOIT TESSIER / REUTERS

Sylvain Chavanel a passé plus 150 kilomètres à l’avant de la course, d’abord avec deux collègues puis en solo, mais dans une étape comme celle qui reliait Mouilleron-Saint-Germain (Vendée) à la Roche-sur-Yon (Vendée aussi) dimanche, ce sont les 150 derniers mètres qui comptent. Peter Sagan y a bâti sa neuvième victoire d’étape dans le Tour, et chipe le maillot jaune à Fernando Gaviria, pris dans une des nombreuses chutes du jour, dont certaines seront lourdes de conséquences.

  • Peter Sagan n’est pas fétichiste

Peter Sagan a endossé dimanche le quatrième maillot jaune de sa carrière et très franchement, il s’en fout comme de sa première liquette de champion de Slovaquie (il en compte huit). Ne lui demandez pas ce qu’il a fait de ses trois premiers, déjà parce qu’il ne se souvient pas l’avoir porté trois fois (les statisticiens sont pourtant formels), ensuite parce qu’il ne sait plus trop. « Il y en a un que j’ai gardé pour mon musée, et peut-être un que j’ai déjà donné, je ne sais pas. » Notez donc qu’un jour, on pourra visiter le musée Peter Sagan.

Qu’y trouvera-t-on ? Des enregistrements de son rire d’enfant farceur ? Le masque de VTT de son sponsor, qu’il se plaît à porter sur le podium pour un bon coup de publicité, comme la vedette tchèque des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, Ester Ledecka ? Ou encore la lettre de l’Union cycliste internationale (UCI) l’innocentant de son grand écart lors du sprint de Vittel, l’an dernier, qui avait abouti à son exclusion et à l’abandon de Mark Cavendish sur chute ?

Le Tour l’avait laissé sur le bord de la route un peu triste, à l’heure où le cyclisme est en mal de champions charismatiques. Sagan était furieux, estimait n’être pour rien dans la partie de bowling et avait attaqué l’UCI devant le Tribunal arbitral du sport. Cinq mois plus tard, en tapinois pendant l’hiver, la fédération internationale l’avait réhabilité par communiqué, contre la promesse que Sagan abandonne ses poursuites. Son président, David Lappartient, n’avait pas caché que l’affaire aurait pu coûter cher. Ce qui permet au Slovaque de dire aujourd’hui :

« Je pense que ce n’était pas ma faute et l’UCI l’a dit aussi. Si tu es au clair avec ta conscience, c’est l’essentiel. »

Toute ressemblance avec des faits récents ne serait que pure et fortuite coïncidence.

  • Chavanel, bientôt 1 an, maillot du meilleur vieux

Sylvain Chavanel avait 22 ans lors de son premier Tour de France, qui était le dernier à avoir lieu sous le septennat de Jacques Chirac, en 2001. Il en a 39 aujourd’hui – le doyen du Tour en a 40 –, et n’a pas raté une édition depuis : 18 fois (de suite), le baroudeur s’est retrouvé au départ de la Grande Boucle, record du monde. La 18e, à Noirmoutier, aura été la dernière, Chavanel avait annoncé qu’il s’arrêterait là.

Sylvain Chavanel, à l’époque où il imaginait peut-être qu’il allait s’imposer. / JEFF PACHOUD / AFP

Ce dimanche était son 350e jour de course sur le Tour. En arrivant au Col du Portet au bout de la 17e étape, le 25 juillet, il aura donc passé 365 jours, un an de son existence, à arpenter les routes de l’Hexagone, un anniversaire étonnant : « On est dans une bulle, ça passe extrêmement vite. C’est en voyant ce genre de statistique qu’on se rend compte qu’on a fait un bout de chemin », disait-il dimanche soir, à l’arrivée de la seconde étape à La Roche-sur-Yon.

On célébrait un autre anniversaire ce dimanche, celui du patron de son équipe, Jean-René Bernaudeau. Alors pour ces deux occasions – même si ce n’était pas prévu ce matin au départ –, Chavanel a traversé la Vendée en solitaire à l’avant, et fait une sacrée pub à son équipe, la régionale de l’étape. « On peut dire que j’ai fait mon jubilé aujourd’hui, hahaha ! » Pas de 4e victoire d’étape à son palmarès du Tour (dont il fut Maillot jaune deux jours en 2010) : repris à 13 bornes de l’arrivée, après en avoir passé plus de 160 échappé, le Châtelleraudais a dû se contenter d’un trophée pas très joli faisant office de prix de la combativité.

En Danseuse réclame l’instauration, vu les circonstances, d’un nouveau maillot distinctif : il existe déjà celui de meilleur jeune, blanc, pour les coureurs de moins de 25 ans. A quand un maillot du meilleur vieux, pour ceux de plus de 35 ans ? Il serait couleur mimosa, puisque ce fut le surnom - il ne l’aimait pas - de celui qui le porterait ce soir sur ses épaules (Chavanel est 5e au général), devançant Gilbert (36 ans, 6e), Greipel (35, 13e) et Valverde (38, 21e) à ce classement des vétérans.

  • A huit, les chutes coûtent plus cher

Ce Tour a deux jours et déjà, on raye des noms comme les chiffres au Loto des anciens de Mouilleron Saint-Germain (Vendée). Des crampes abdominales, et au revoir l’Ethiopien Tsgabu Grmay, le seul coureur d’Afrique noire au départ cette année. Une mauvaise chute, et au revoir Luis Leon Sanchez, le seul ancien client du docteur Michele Ferrari au départ cette année (l’Espagnol dit n’avoir pas reçu de conseils en matière de dopage et n’a jamais été suspendu).

Deux des victimes du jour. / JEFF PACHOUD / AFP

La Trek-Segafredo et Astana sont donc réduites à sept, puisque le nombre de coureurs par équipe était déjà réduit à huit. Sept pour trois semaines de course, c’est peu.

« C’est clair que maintenant, ça descend très vite. Imagine : encore un abandon et on est six, calcule sans trop de mal Alain Gallopin, directeur sportif de la Trek-Segafredo. Au Dauphiné, j’ai eu un abandon et une chute dès le premier jour, on a dû faire le contre-la-montre par équipes à cinq. »

Pour le leader d’Astana Jakob Fuglsang, prétendant aux premières places à Paris, le départ de Luis Leon Sanchez est « un gros coup dur », surtout en prévision du contre-la-montre par équipes de Cholet, lundi. Solider rouleur, Sanchez devait être la locomotive de l’équipe : « Ca va nous coûter à tous, puisqu’on va se partager le travail qu’il aurait dû faire et on va se reposer moins souvent. »

D’autres ont payé le prix des chutes. AG2R-La Mondiale, l’équipe de Romain Bardet, n’est pas la moindre : le Suisse Silvan Dillier, recruté expressément dans l’optique des 35 kilomètres de lundi, est tombé lourdement. Il souffre de contusions multiples au coude, au genou, à la main, même si ses plaies sont superficielles. « Il sera un peu courbaturé demain, prévoit le docteur Eric Bouvat. Quand les coureurs repartent le matin après une chute, ils sont complètement vermoulus. Ce ne sera pas aussi fluide qu’on aurait pu l’espérer pour le contre-la-montre. »

Comme Tony Gallopin, l’autre gros rouleur de l’équipe, n’est pas non plus à 100% après une chute lors du championnat de France, AG2R aura peut-être du mal à viser la première moitié du classement qu’elle espérait autour de Cholet. Avant la blessure de Dillier, Vincent Lavenu, manager de l’équipe, estimait qu’une perte d’une minute sur le vainqueur de l’étape serait une bonne opération.