Le président Recep Tayyip Erdogan – ici en juin 2013 – prêtera serment lundi 9 juillet avant une cérémonie au palais présidentiel. / ADEM ALTAN / AFP

Deux ans après avoir échappé à un putsch militaire, le président Recep Tayyip Erdogan commence lundi 9 juillet un nouveau mandat de cinq ans. Il prêtera serment lundi à 13 heures (15 heures à Paris) puis présidera une cérémonie au palais présidentiel, inaugurant une nouvelle ère dans l’histoire moderne de la Turquie avec le passage au système présidentiel, aux termes d’une révision constitutionnelle adoptée de justesse par référendum en avril 2017. Ce nouveau système, dénoncé comme autocratique par ses détracteurs, devrait se traduire par des pouvoirs accrus.

Au pouvoir depuis 2003 d’abord comme premier ministre puis président, M. Erdogan, 64 ans, a été confortablement réélu le 24 juin. Il a remporté l’élection présidentielle dès le premier tour, avec 52,6 % des voix, loin devant ses concurrents.

Dans quel contexte s’inscrit sa réélection ?

Son accession à cette « hyperprésidence » a lieu près de deux ans après une tentative de coup d’Etat, le 15 juillet 2016, menée par des militaires factieux et suivie de vastes purges notamment au sein des forces armées, la police et les administrations, avec l’arrestation ou le limogeage de dizaines de milliers de personnes.

La dernière vague de purges, annoncée dimanche, a touché plus de 18 000 personnes, en majorité des soldats et des policiers, qui ont été limogées par un décret-loi présenté comme le dernier sous l’état d’urgence instauré au lendemain du putsch manqué.

M. Erdogan « aura désormais le soutien institutionnel et légal pour contrôler quasiment tout », dans le cadre du nouveau système, explique Ayse Ayata, professeuse de sciences politiques à l’Université technique du Moyen-Orient (ÖDTÜ), à Ankara.

Pourquoi parle-t-on d’« hyperprésidence » ?

Le poste de premier ministre sera supprimé, le chef de l’Etat détiendra désormais l’ensemble du pouvoir exécutif et pourra promulguer des décrets. Il nommera également six des treize membres du Conseil des juges et procureurs (HSK), chargé de nommer et destituer le personnel du système judiciaire.

Et, comme le président est aussi le chef de sa formation politique, « il aura le contrôle des députés de son parti, ce qui signifie que le président aura le contrôle sur les branches exécutive, judiciaire et législative du pays », explique Emre Erdogan, professeur de sciences politiques à l’université Bilgi à Istanbul.

« Un tel système crée un vaste espace d’opportunités pour qu’un président (…) gouverne le pays à lui seul », ajoute-t-il.

Avec quelles forces devra-t-il gouverner ?

Lors des élections législatives qui se sont tenues en même temps que la présidentielle, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) de M. Erdogan a obtenu 295 sièges sur 600, et son allié, le Parti d’action nationaliste (MHP), 49 sièges.

Ainsi, dans la nouvelle législature, l’AKP ne dispose pas seul de la majorité et comptera sur le soutien du MHP pour contrôler le Parlement. Mais « avec le temps, le MHP pourrait reconsidérer sa position et formuler des exigences », comme des postes au gouvernement, des concessions ou des emplois, estime Mme Ayata.

De nombreux experts craignent que l’alliance avec le MHP conduise à un durcissement de la politique menée par M. Erdogan, notamment sur la question kurde.

A quoi le nouveau gouvernement devrait-il ressembler ?

Après sa prestation de serment lundi, M. Erdogan présentera un nouveau gouvernement resserré qui devrait compter seize ministères, contre vingt-six (sans compter le premier ministre) actuellement. Plusieurs ministères seront donc fusionnés, comme le ministère des affaires européennes, qui fera désormais partie du ministère des affaires étrangères.

La présidence s’appuiera également sur des « commissions » et des bureaux consacrés à divers secteurs, même si les détails de leurs compétences ne sont pas encore connus.

Répondant aux critiques de l’opposition sur l’ampleur de ses pouvoirs, M. Erdogan répète que le nouveau système est un gage d’efficacité pour relever les défis auxquels fait face la Turquie.

Quels défis attendent le président ?

Le plus pressant semble être la crise économique qui se dessine avec une inflation élevée, la dévaluation de la monnaie et un important déficit des comptes courants, en dépit d’une croissance solide.

Cette situation est en partie due à un manque de confiance des marchés dans la stratégie économique du président turc, qui ne cesse d’appeler à baisser les taux d’intérêt pour combattre l’inflation, alors que la plupart des économistes préconisent le contraire.