A Singapour, le nouveau siège régional de Schneider Electric, inauguré au printemps, s’appelle « The Pulse » (« le pouls »). Et pourtant, il ne s’agit pas d’un immeuble neuf. Il a été construit en « recyclant » un bloc de neuf étages construit à la fin des années 1990, entièrement désossé puis reconverti. L’immeuble de 20 000 mètres carrés, où travaillent 1 200 personnes, se veut une vitrine du bâtiment intelligent, tant pour l’entreprise française que pour le gouvernement singapourien.

Un décor de science-fiction

Au rez-de-chaussée, un écran digne d’un décor de film de science-fiction montre aux visiteurs l’activité, notamment énergétique, de tout l’immeuble en temps réel. Il est possible, à partir de là, de contrôler à distance nombre d’équipements et d’installations et de régler à peu près tous les paramètres d’énergie, de confort et de sécurité : verrouiller ou déverrouiller certaines portes, consulter les caméras, changer la température dans la cantine, régler l’intensité des éclairages dans une salle de réunion ou la ventilation dans une cage d’escalier, vérifier le flux d’eau qui arrive dans les refroidisseurs qui sont sur le toit… C’est ce que Schneider appelle la « technologie invisible », un savoir-faire qui peut s’appliquer à une maison, une usine, un hôpital, un aéroport ou une ville entière.

Tout cela est censé se faire tout seul. Car The Pulse est équipé de 3 000 capteurs (dont 1 200 qui sont faits maison) et de sept logiciels analytiques, appelés les « conseillers » qui rapportent en temps réel toutes les données nécessaires à la gestion optimisée du bâtiment. Si une fenêtre est ouverte dans une pièce où l’air conditionné fonctionne, ou si une ampoule est allumée dans une pièce vide ou dans une pièce suffisamment éclairée par la lumière du jour, l’erreur est corrigée automatiquement. Ou bien une alerte est lancée avec diagnostic et proposition de solutions.

« Tout le monde connecté à tout, partout »

« Je le dis à chaque fois que j’ai l’occasion de rencontrer des architectes, c’est un crime aujourd’hui de ne pas prescrire des produits qui, à terme, ne pourront pas être connectés » insiste Damien Dhellemmes, qui dirige Schneider Electric à Singapour. Cette ambition du tout connecté ne peut qu’enthousiasmer Singapour qui a lancé sa stratégie « E3A », un acronyme qui signifie « Tout le monde connecté à tout, partout » (« Everyone Connected to Everything, Everywhere, All the time »). Et c’est ce à quoi tend, d’un pas cadencé, la « smart nation ». Cette gestion précise du fonctionnement d’un bâtiment permet aussi d’optimiser son empreinte carbone. Alors que le groupe Schneider Electric a l’ambition d’avoir un bilan carbone zéro d’ici à 2030, la filiale singapourienne espère être à 90 % de l’objectif en 2020. La flotte de trente voitures du siège devrait devenir entièrement électrique dans les mois qui viennent.

Pour Gordon Falconer, directeur général « smart city » chez Schneider, le nouveau siège du groupe illustre parfaitement l’approche « ville-laboratoire » de Singapour, qui encourage les entreprises étrangères à venir sur place essayer des technologies, des idées. « On a travaillé ensemble [avec le gouvernement] à la conception et au design du bâtiment. Ici, les agences gouvernementales travaillent en coopération étroite avec l’écosystème économique », observe Damien Dhellemmes, qui rencontre l’EDB (Economic Development Board) une fois par mois. Schneider travaille aussi au projet du cinquième terminal de l’aéroport Changi, prévu pour 2030. « Cela nous force à imaginer des nouvelles solutions que l’on peut tester sur place. Ici, l’écosystème vous encourage à faire cela. » La reconversion en immeuble intelligent telle que l’a réalisée Schneider est donc vouée à servir d’exemple pour les 600 autres immeubles du même type répertoriés sur la petite île-République. La métamorphose réalisée par Schneider a déjà fait des émules.