LES CHOIX DE LA MATINALE

Belle semaine en perspective pour les fans de séries : la dernière création de HBO, Sharp Objects, est une réussite, Glow revient pour une saison 2 tout aussi enlevée que la première et High Maintenance livre un portrait tout en couleurs de la New York bobo que l’on aime détester.

« Sharp Objects » : femmes à fleur de peau

La série d’été de HBO, Sharp Objects, ambiguë, étouffante, poisseuse, s’apparente à un long film plus qu’à une suite d’épisodes. Un peu à la manière du premier opus de True Detective, elle use du vernis d’une histoire policière pour se donner le prétexte et le temps de s’engager dans une intrigante étude de personnages.

Réalisée de bout en bout par Jean-Marc Vallée (qui avait déjà su apporter une sensation d’atmosphère très spécifique à Big Little Lies), Sharp Objects est née, avant tout, de l’entêtement de deux femmes : Gillian Flynn, auteure de Gone Girl et du roman dont cette série est adaptée – elle en a aussi coécrit le scénario –, et Marti Noxon, sa créatrice et coscénariste (Dietland, UnReal, Glee, Grey’s Anatomy, Mad Men).

Au cœur de Sharp Objects, trois femmes et formidables actrices : Camille Preaker (Amy Adams), journaliste alcoolique et cabossée à la façon des détectives masculins de nombre de romans policiers américains ; sa mère, Adora (Patricia Clarkson), personnage à la Tennessee Williams avec qui elle va renouer en revenant dans sa ville natale pour des articles autour de deux meurtres qui viennent d’y être commis ; et puis sa demi-sœur, la jeune Amma (Eliza Scanlen), mi-ado sage, mi-diable pernicieux. Soit trois générations de femmes passablement perturbées, en lutte avec elles-mêmes et entre elles ; mais aussi, en sourdine, en butte à une société qui attend qu’elles soient des « modèles » et non des femmes libres. Et même libres de s’autodétruire. Martine Delahaye

« Sharp Objects », mini-série créée par Marti Noxon. Avec Amy Adams, Patricia Clarkson, Eliza Scanlen (Etats-Unis, 2018, 8 × 52 min). Un épisode par semaine sur OCS GO depuis le lundi 9 juillet.

« Glow » : catch féminin, ton univers impitoyable

GLOW, acronyme de « Gorgeous Ladies of Wrestling » (autrement dit, « les sublimes dames du catch »), s’inspire de l’histoire de la Ligue américaine de catch féminin. Sa première saison retraçait le cheminement ayant réellement abouti à la création de l’émission de télévision « GLOW », qui, pour la première fois, faisait un spectacle du combat de femmes en justaucorps à paillettes surmontés de brushings impeccables.

Revisitant les années 1980 à Los Angeles, cette comédie s’attardait sur le recrutement et l’épuisant entraînement au catch de jeunes femmes sans emploi devant se convertir en excellentes athlètes. L’on y suivait plus particulièrement Ruth Wilder (Alison Brie, impressionnante), une actrice lassée de n’obtenir – au mieux – que de la figuration, et prête à absolument tout pour enfin briller dans un rôle, fût-il de catcheuse. Il en était de même pour Debbie Eagan (Betty Gilpin, tout aussi bluffante), sa meilleure amie, ancienne actrice de soap.

La saison 2, que Netflix vient de lancer, parvient à un bel équilibre entre la peinture du cadre très contraignant de la nouvelle carrière de ces dames – chacune ayant un rôle hyper-stéréotypé, en tant que catcheuse – et le récit de leurs chicaneries, errements et tourments personnels. Le tout sur fond de délirants costumes flashy et de combats d’une folle énergie. M. De.

« GLOW », saison 2. Série créée par Liz Flahive et Carly Mensch. Avec Alison Brie, Betty Gilpin (Etats-Unis, 2018, 10 × 30 min). Les saisons 1 et 2 sont disponibles sur Netflix.

« High Maintenance » : New York « bobo » à bicyclette

Parmi les séries à revoir cet été, disponibles en visionnage à la demande, on recommandera les deux saisons de High Maintenance (2016-2018), de Ben Sinclair et Katja ­Blichfeld. Chaque épisode conte une histoire différente, jouée par des acteurs en général non récurrents, à l’exception de « The Guy » (« le Mec »), un dealeur new-yorkais de marijuana à bicyclette, « aux allures de John Malkovich jeune » (ainsi que le décrit un personnage), formidablement interprété par Ben Sinclair lui-même. Chaque visite du dealeur chez ses clients est l’occasion pour lui d’être l’oreille plus ou moins consentante de leurs névroses, souvent carabinées ; voire le complice forcé d’événements tragicomiques de leurs vies. Ce qui constitue, avec de rares moments « creux » (les épisodes 5 et 6 de la saison 2), un portrait doux-amer de la New York bourgeoise bohème d’aujourd’hui, bigarrée, excentrique, aussi agaçante qu’attachante. Renaud Machart

« High Maintenance », saisons 1 et 2, série créée par Katja Blichfeld et Ben Sinclair. Avec Ben Sinclair (Etats-Unis, 2016-2018, 6 × 20 min et 10 × 20 min). OCS Go à la demande.