Paul Pogba, Olivier Giroud et Raphaël Varane, mardi 10 juillet, à Saint-Pétersbourg). / CHRISTOPHE SIMON / AFP

En politique, l’expression prête à controverse pour l’usage qu’en a fait Emmanuel Macron. En football ou en alpinisme, beaucoup moins : plus la pente devient raide et plus, en effet, les « premiers de cordée » tirent l’équipage vers le sommet. Victorieux (1-0) de la Belgique en demi-finales sous les yeux du président de la République, les plus expérimentés des Bleus ont emmené avec eux toute l’équipe de France jusqu’en finale de la Coupe du monde.

Si la jeunesse de Kylian Mbappé, Benjamin Pavard et Lucas Hernandez a permis de renverser l’Argentine en huitièmes de finale, l’équipe de France doit aussi remercier ses grognards pour sa victoire en demies. A Saint-Pétersbourg, Didier Deschamps a titularisé six « vétérans » de l’édition brésilienne de 2014, ceux-là même avec lesquels il avait perdu en quarts de finale contre l’Allemagne. Six anciens pour tenir bon face à des Belges plus aguerris : 29 ans en moyenne pour les Diables rouges, contre 26 ans pour les Bleus.

« Comme un grand frère »

Par ordre d’ancienneté, les pensées vont d’abord au capitaine Hugo Lloris : à 31 ans, le gardien a disputé sa 103e sélection, soit le même nombre que Didier Deschamps lorsque celui-ci a arrêté sa carrière internationale. Viennent les joueurs de champ : Raphaël Varane en défense (25 ans, mais déjà 48 matchs) ; Blaise Matuidi (31 ans, 71 matchs) et Paul Pogba (25 ans, 58 matchs) au milieu de terrain ; Antoine Griezmann (27 ans, 60 matchs) et Olivier Giroud (31 ans, 80 matchs) en attaque.

Auxquels s’ajoutent le milieu N’Golo Kanté (27 ans) et le défenseur Samuel Umtiti (24 ans), buteur du soir : les deux hommes figuraient déjà dans l’équipe lors de l’Euro 2016, achevé en finale sur une défaite contre le Portugal. « Les anciens jouent leur rôle de cadre », s’est félicité Didier Deschamps.

A l’approche du Mondial, l’entraîneur avait pourtant estomaqué les observateurs par sa volonté de rajeunir les Bleus, et notamment l’équipe type : cet été, quatorze de ses vingt-trois joueurs ont découvert la Coupe du monde. Le 16 juin, lors des débuts contre l’Australie, Deschamps envoyait sur le banc des remplaçants Blaise Matuidi et Olivier Giroud pour laisser le champ libre à l’ailier Ousmane Dembélé (21 ans) et au milieu Corentin Tolisso (23 ans). Avec un message clair : prime donnée à la fougue, à l’insouciance et à l’explosivité.

Deschamps l’a regretté, mécontent de sa formation, victorieuse dans la douleur des Socceroos (2-1). Pour rééquilibrer son système, le « marathonien » Matuidi et le pivot Giroud ont fait leur retour dès le deuxième match, contre le Pérou (victoire 1-0), cinq jours plus tard. De petits ajustements pour un grand changement : l’équipe de France a retrouvé sa solidité, de nouveau parée au combat.

Le huitième de finale contre l’Argentine (4-3), puis le quart contre l’Uruguay (2-0), l’ont ensuite encore prouvé : différentes générations de Bleus peuvent bien cohabiter sous un même toit. « On n’a pas forcément les mêmes centres d’intérêt et pourtant, on arrive à vivre ensemble », résume Blaise Matuidi. Dans un sourire, Hugo Lloris dit « essayer de rester “in”, même si ce n’est pas évident ». Par exemple, en ce qui concerne les goûts musicaux des plus jeunes : « Je ne sais même pas ce qu’ils écoutent dans le vestiaire, je ne sais même pas qui est l’artiste. »

Pas très porté sur les jeux vidéo, Olivier Giroud insiste quand même sur « les moments de complicité ». « J’ai envie de partager mon expérience et de transmettre ma rage de vaincre. On est plusieurs à le faire. J’arrive à l’âge de maturité, je sais gérer certaines situations et je me sens comme un grand frère. »

Equilibre subtil

Grâce à ce subtil équilibre, Didier Deschamps peut voir venir. En 2017, le sélectionneur a prolongé son contrat avec les Bleus jusqu’en 2020, date du prochain Euro. « J’ai une équipe très jeune. Les joueurs qui sont ici sont censés être encore plus forts dans deux, quatre ans. »

Talent précoce, Raphaël Varane, auteur d’une performance remarquable et remarquée face aux attaquants belges, devrait encore accompagner l’équipe pour un moment. Le défenseur central a déjà vécu une finale avec les Bleus. Celle de l’Euro, il y a deux ans. « On a vécu l’expérience de 2016 et on sait ce qu’on ne veut pas revivre », sourit-il à présent. Malgré l’apport de jeunes joueurs, le défenseur du Real Madrid estime désormais le groupe « plus mature, avec plus de vécu, plus d’expérience ».

Avis partagé par Didier Deschamps : « Aujourd’hui, ils sont déjà compétitifs. On ne fait pas tout bien, mais je suis très fier d’eux. Avec un tel état d’esprit, on peut renverser des montagnes, c’est ce qu’on a fait jusqu’à maintenant. » Ultime étape de l’ascension dimanche 15 juillet à Moscou, pour une finale face à la Croatie ou l’Angleterre.