Après une chevauchée foudroyante, Kylian Mbappé place une frappe chirurgicale au fond des filets. Pendant que vos voisins exultent, sur votre télévision, le jeune prodige n’a même pas encore reçu le ballon. Vous vivez le match dans le passé, vous êtes victime d’un gros décalage de retransmission, le suspense est ruiné. Certains téléspectateurs se plaignent sur Twitter d’un retard de cinq, dix, ou vingt longues secondes. Comment expliquer ce problème agaçant ?

Le décalage touche les téléspectateurs qui regardent la TV par Internet. Selon Nicolas Guillaume, PDG de Netalis et spécialiste de la diffusion de contenus sur réseau, « les chaînes de télé diffusées par “box Internet” accusent environ cinq secondes de retard par rapport à la TNT », qui est, rappelons-le, diffusée par d’énormes tours de télévision hertziennes.

Pire, lorsqu’on regarde le match sur un ordinateur ou une tablette, ce décalage monte facilement à une vingtaine de secondes. La raison est simple : Internet n’a pas été conçu pour diffuser de la vidéo.

Vidéos hachées en morceaux

Pour voyager par Internet, les vidéos sont découpées en tout petits bouts qui empruntent des chemins séparés. Certains morceaux suivent un parcours très long, d’autres se perdent, ce qui oblige à les redemander. Ce ballet prend un certain temps et s’avère assez imprévisible.

« Par sécurité, les tablettes, ordinateurs, et TV intelligentes stockent donc quelques dizaines de secondes de vidéo dans leur mémoire. En cas de problème, grâce à cette “mémoire tampon”, ces appareils ont le temps de remettre la main sur les fragments vidéo égarés sans interrompre leur lecture. De même, si la connexion Internet est interrompue cinq secondes, le téléspectateur ne le perçoit pas », explique Nikolay Rodionov, cofondateur de Streamroot, une entreprise spécialisée dans la diffusion de vidéo par Internet qui travaille pour TF1 et Canal+.

La TNT elle-même subit un décalage d’environ 5 secondes sur la réalité. La radio est le meilleur moyen de recevoir l’information en premier, à condition que les commentateurs soient assis dans le stade ... et non devant leur télévision. / TDF

Les boxs des opérateurs stockent seulement quelques secondes de vidéo dans leur mémoire tampon. Le réseau interne des opérateurs, moins vaste et plus sûr qu’Internet, permet de n’avoir qu’un léger décalage. Le risque d’égarer des « morceaux » de la vidéo est moindre, et si cela arrive, on les retrouve plus vite.

En revanche, lorsqu’on regarde la vidéo sur une application ou une page Web, les risques de perte sont plus importants - et c’est dix, vingt, ou même trente secondes de vidéo qui sont placées en mémoire, provoquant autant de retard du direct pour le téléspectateur.

Renouer avec le suspense

Pour renouer avec le suspense, il y a deux solutions, conseille Gaëlle Kaminsky, responsable développement chez TDF, l’opérateur des antennes hertziennes. La première consiste tout simplement à « brancher sa télévision sur prise hertzienne pour regarder le match via la télévision numérique terrestre (TNT) ». Faute de prise hertzienne, on peut opter pour une mini-antenne TNT de salon. L’autre solution consiste à… « fermer ses fenêtres et pousser le volume de la TV » pour couvrir les clameurs de la rue. Tant pis si, par un coup du sort, le mercure bat des records ce jour-là…