Margaret Atwood en octobre 2017. / MICHAL CIZEK / AFP

Après son adoption historique en première lecture par les députés, le 14 juin, le texte légalisant l’avortement en Argentine est arrivé le 3 juillet au Sénat. Il est examiné en commission depuis mardi 10 juillet, avant un vote des sénateurs prévu pour le 8 août.

Dans ce contexte, l’écrivaine canadienne Margaret Atwood – auteure du roman La Servante écarlate, qui a été adaptée pour une série télévisée – s’est invitée dans le débat, en interpellant directement la vice-présidente argentine et présidente du Sénat, Gabriela Michetti, sur Twitter. Le 25 juin, elle lui demandait de « ne pas détourner le regard des milliers de décès provoqués par l’avortement illégal chaque année », et de donner « aux femmes argentines le droit de choisir ».

Gabriela Michetti est ouvertement hostile au texte. Dans une interview donnée au quotidien argentin La Nacion, elle explique clairement que, pour elle, l’avortement n’est pas une option, quelles que soient les circonstances. « Même en cas de viol ? », lui demande La Nacion. « Non, répond-elle. Je le dis toujours clairement. On peut donner l’enfant à l’adoption, voir ce qu’il se passe pendant la grossesse, consulter un psychologue, je n’en sais rien. »

L’Argentine, un « Etat esclavagiste » ?

A la suite de cette interview, le journal argentin UNO Santa Fe a contacté l’écrivaine pour connaître sa réaction sur les propos de Gabriela Michetti. Margaret Atwood a répondu lundi dans une tribune intitulée « A slave state ? » (« Un Etat esclavagiste ? »), où elle compare l’interdiction de l’avortement à de l’esclavage.

« Les femmes qui ne peuvent pas décider si elles veulent des enfants ou non sont des esclaves, car l’Etat revendique la propriété de leur corps et le droit de décider de l’usage qui doit être fait de ce corps. »
« Un enfant est un cadeau, donné par la vie elle-même. Mais un cadeau doit être librement donné et reçu. Il peut aussi être rejeté. Un cadeau qui ne peut être rejeté n’est pas un cadeau, mais un symptôme de tyrannie. »

Margaret Atwood termine sa tribune par une nouvelle adresse directe aux autorités argentines : « Impose les naissances si tu le veux, Argentine, mais nomme au moins cette obligation par son nom. C’est de l’esclavage. »

Le roman de Margaret Atwood La servante écarlate est une dystopie dans laquelle les femmes sont privées de leurs droits et ne servent qu’à la reproduction. Dans le prologue de la nouvelle édition de son livre, l’auteure raconte s’être inspirée, entre autres, du scandale des bébés volés sous la dictature argentine entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. Pendant plusieurs années, les bébés d’opposants politiques nés en captivité étaient enlevés et adoptés sous une identité différente. On évalue à 500 le nombre d’enfants concernés par cette affaire d’Etat.

L’engagement de l’écrivaine n’est donc pas nouveau, et sa véhémence est arrivée jusqu’aux portes du Congrès argentin. Au moment où les débats en commission ont démarré mardi, des membres du collectif Periodistas Argentinas (Journalistes argentines), vêtues d’une cape rouge et d’un bonnet blanc, comme les femmes de La servante écarlate, ont défilé têtes baissées jusque devant les portes du Parlement.