Les Bleus s’offrent leur troisième finale de Coupe du monde en vingt ans, à Saint-Pétersbourg le 10 juillet. / PAVEL GOLOVKIN / AP

C’est comme s’ils avaient été frappés par la foudre. Pétrifiés, Kylian Mbappé et ses coéquipiers restent allongés un long moment, le nez dans la pelouse du magnifique stade Krestovski de Saint-Pétersbourg. On les inviterait presque à se frotter les yeux tant ils semblent avoir eux-mêmes du mal à y croire.

Douze ans après le coup de boule funeste de Zinédine Zidane lors de la finale de l’édition 2006 perdue (1-1, 3-5 aux tirs au but) face à l’Italie, les Bleus viennent de s’offrir, mardi 10 juillet, une autre opportunité de remporter une deuxième Coupe du monde. Et ainsi de marcher dans les pas de leurs aînés, dont leur sélectionneur Didier Deschamps, sacrés deux décennies plus tôt, en France en 1998.

Leur dernière victime en date est la Belgique, battue (1-0) au terme d’un match âpre et serré, semblable à un combat de boxe. Pour franchir l’obstacle des demies, l’équipe de France a rendu coup pour coup jusqu’au dernier round.

Depuis les tribunes vertigineuses du « Krestovski », soucoupe volante posée sur les rives de la Neva, on a bien cru que les très athlétiques « Diables rouges », dotés d’une impressionnante force de frappe, finiraient par dynamiter la défense des Tricolores. Il n’en fut rien. Malgré les assauts de la fantastique triplette offensive composée d’Eden Hazard, de Romalu Lukaku et de Kevin De Bruyne (sept buts à eux trois depuis l’ouverture du tournoi), le bloc français a tenu bon. « On n’a jamais rien lâché, jamais », a résumé Didier Deschamps, maître d’œuvre de cette « inexpugnable forteresse ».

« Il y avait onze chiens sur le terrain »

On s’attendait, du côté des Bleus, à une prouesse du jeune prodige (19 ans) Kylian Mbappé, plein de culot et encore une fois auteur de gestes techniques hallucinants (myriade de dribbles, roulettes et autres talonnades).

Mais, contre toute attente, c’est le défenseur Samuel Umtiti qui s’est mué en héros de la nation. D’une jolie tête au premier poteau, l’arrière râblé du FC Barcelone a inscrit l’unique but de la rencontre (51e minute) avant d’aller longuement célébrer son exploit avec l’attaquant Antoine Griezmann, passeur décisif sur corner.

Le défenseur Samuel Umtiti après son but contre la Belgique, à Saint-Pétersbourg le 10 juillet. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

« Il y a eu des moments chauds qu’on a dû gérer tous ensemble, dans l’effort. Il y avait onze chiens sur le terrain », a confié Umtiti, élu logiquement homme de la rencontre. Celui que ses partenaires surnomment affectueusement « Big Sam » permet ainsi au football français de disputer une troisième finale de Coupe du monde en vingt ans.

Dimanche 15 juillet, au Stade Loujniki de Moscou, les Bleus tenteront d’accrocher une deuxième étoile à leur maillot contre le vainqueur de l’autre demi-finale qui oppose, mercredi 11 juillet, la Croatie de Luka Modric à l’Angleterre de Harry Kane. Visiblement très ému au coup de sifflet final, au point d’entamer une farandole avec les membres de son staff, Didier Deschamps a longuement disserté sur « l’état d’esprit de son groupe, qui renverse des montagnes » ainsi que sur la « montée en puissance » de ses joueurs.

Une préparation physique bénéfique

Sans carburant, mal huilée au premier tour, la machine tricolore tourne à plein régime depuis sa victoire (4-3) échevelée contre l’Argentine, le 30 juin, en huitièmes de finale. Tout en maîtrise face à l’Uruguay (2-0) en quarts, Griezmann et consorts tirent pleinement bénéfice des séances de travail très intenses (endurance, gainage, musculation) que leur a fait subir, avant le tournoi, leur préparateur physique, Grégory Dupont.

A l’image de l’infatigable milieu N’Golo Kanté, capable d’avaler des kilomètres sans transpirer, ou de son partenaire de l’entrejeu Paul Pogba, jugé « monstrueux » par son sélectionneur, les Bleus se sont sublimés sur les plans athlétique et défensif. Même l’avant-centre Olivier Giroud s’est époumoné pour boucher les espaces et presser les Diables rouges. « C’est le match où on a été le plus solides et le plus solidaires », a estimé le défenseur central Raphaël Varane, maître des airs et impeccable dans ses interventions.

Soucieux de cadenasser la rencontre, bien regroupés, les Bleus ont, avant tout, remporté une jolie victoire tactique. Car cette demi-finale s’est aussi apparentée à une partie d’échecs. Longtemps, les Tricolores ont laissé aux Belges la maîtrise du ballon, misant sur la vitesse éclair du tandem Mbappé-Griezmann pour riposter.

« La Belgique a foudroyé tout le monde jusqu’ici, elle a toujours eu plus la maîtrise de la balle, donc et il ne fallait pas lui laisser d’espaces. On a été obligés de défendre bas », a expliqué Deschamps. « Il faut s’adapter aux situations », a ajouté Kylian Mbappé. A l’instar du très rusé attaquant du Paris-Saint-Germain, les Tricolores sont passés maîtres dans l’art de jouer la montre : ils ont grappillé de précieuses minutes et ils ont « cassé » le rythme en se roulant au sol sur des contacts anodins.

« On n’est pas encore champions du monde »

Si prompts à se projeter vers l’avant sur contre-attaques, les Bleus auraient pu assommer leur adversaire en fin de match alors que les supporteurs français, en liesse, entonnaient déjà La Marseillaise en tribunes. « On aurait pu leur faire encore plus mal mais on a manqué de justesse technique », a observé le sélectionneur, tout en louant le « pragmatisme et le réalisme » dont ont fait preuve ses protégés.

Didier Deschamps après la victoire des Bleus contre les Diables Rouges, à Saint-Pétersbourg le 10 juillet. / PAUL ELLIS / AFP

Sous un déluge de critiques à mesure que ses joueurs enchaînaient les prestations mitigées lors du premier tour, ce dernier ne s’est pas privé de chambrer les journalistes : « Nous sommes en finale de Coupe du monde. Qui l’eût cru à part vous bien sûr ? »

Vingt ans après avoir soulevé le trophée dans le ciel du Stade de France, comme capitaine des Bleus, voici Deschamps paré à parfaire sa légende et à égaler la performance du Brésilien Mario Zagallo et de l’Allemand Franz Beckenbauer, les deux seules légendes à avoir remporté le Mondial comme joueurs puis comme sélectionneurs.

A défaut de deviser sur son étrange « destin » d’invétéré gagneur, le Bayonnais a mis en garde ses troupes avant l’échéance de dimanche. « On peut être champions du monde mais on ne l’est pas encore, a-t-il martelé, encore traumatisé par sa défaite (0-1 après prolongation) contre le Portugal, en finale de l’Euro 2016. On fera tout pour être, cette fois, du bon côté. »

Les Bleus disposeront de quatre jours – soit un de plus que leur futur adversaire – pour récupérer. Mais, au vu de leur condition physique, les batteries sont loin d’être déchargées.