L’artiste Melik Ohanian. / MELIK OHANIAN/GALERIE CHANTAL CROUSEL

La France aura-t-elle une nouvelle fois « les yeux dans les Bleus » ? En attendant la finale de dimanche, l’artiste Melik Ohanian propose de rejouer à sa façon la finale victorieuse de 1998. Ce 12 juillet, à 21 heures, vingt ans après le coup d’envoi de France-Brésil, toute l’équipe d’Aimé Jacquet fait grâce à lui un étonnant come-back. Expert en brouillage des temporalités, le plasticien, Prix Duchamp (et non Deschamps) 2015, a convoqué les 14 joueurs impliqués dans la victoire à 3-0, remplaçants compris. Et il les a filmés en train de regarder ce match que, finalement, presque aucun n’avait depuis visionné dans son intégralité. Lilian Thuram, Bixente Lizarazu, Thierry Henry, Emmanuel Petit… Un peu vieillis, toujours nobles, leurs visages apparaissent en plans-séquences, fixes, plein feu sur les regards.

Aucune coupe, pas une image du stade de France, nul ballon, juste l’émotion qui fait trembler les pupilles. « D’acteurs, ils deviennent spectateurs de leur propre spectacle, résume l’artiste, qui a intitulé son projet Their Eyes Were Watching. Ce match a conditionné leur vie, comme il a conditionné toute la société, en validant son rêve de multiculturalisme. Du jamais-vu. »

L’artiste remet en scène l’inconscient collectif de toute une nation à travers « des images qui s’adressent au peuple, sans être populistes »

Pendant quatre-vingt-dix minutes, sur de très grands écrans, onze visages, noirs et blancs, viendront ainsi se refléter sur l’eau du canal de l’Ourcq, face à la place de la pointe de Pantin, en point d’orgue de l’exposition « Par amour du jeu » organisée par l’agence de communication BETC à l’occasion de la Coupe du monde 2018. « Les images de cette finale, qui ont désormais basculé dans le registre de l’archive, ont été parmi les plus regardées au monde, avec les premiers pas sur la Lune. Près de 1,3 milliard de spectateurs étaient devant leur écran ! Avec ce projet, je cherche à provoquer une nouvelle émotion, par l’intimité du regard des joueurs. Dans leurs yeux, on voit les microdrames se rejouer. C’est une mémoire au temps présent. »

Certes, deux stars manquent à l’appel : le capitaine Didier Deschamps, un peu accaparé par la Coupe du monde en Russie, et Zidane, désireux de faire un break. Mais l’artiste compte bien les filmer au cours de l’été, pour finaliser son projet et lui donner une nouvelle dimension, muséale. En attendant, il remet en scène l’inconscient collectif de toute une nation à travers « des images qui s’adressent au peuple, sans être populistes ». Le versant conceptuel de la fan zone ?

Sur le Web : melikohanian.com