Réunion du Conseil de sécurité de l’ONU à New York. / DON EMMERT / AFP

Un monde plus chaud est un monde potentiellement plus conflictuel. C’est le constat dressé par le Conseil de sécurité de l’ONU, mercredi 11 juillet, qui a tenu, pour la première fois depuis sept ans, un débat sur le lien de causalité entre le changement climatique et les risques de survenue ou d’aggravation des conflits.

L’organisation a pris acte de son retard dans la prise en compte de cet enjeu majeur pour la sécurité mondiale – alors que la tendance actuelle est à une augmentation des températures de 4 degrés d’ici à 2100 – sans pour autant adopter de mesures concrètes pour y remédier.

Car le sujet, qualifié de « sensible », est loin de faire l’unanimité au sein des Etats membres, notamment auprès de la Russie, la Chine et l’Ethiopie qui considèrent qu’il ne devrait pas être à l’agenda du Conseil de sécurité, faute d’expertises concluantes sur ces liens de corrélation. Au contraire, la Suède, qui en assure la présidence pour le mois de juillet, estime que « cette menace ne peut plus être ignorée ».

Il suffit de « superposer une carte de l’arc des conflits du Sahel à l’Afghanistan aux données sur les vagues de chaleur pour mieux comprendre l’enjeu », explique un diplomate qui voudrait voir l’ONU jouer un rôle de « lanceur d’alertes ».

« La disparition des ressources naturelles entraîne des conflits locaux qui deviennent nationaux puis régionaux », explique Hindou Ibrahim, représentante de l’International Indigenous Peoples Forum on Climate Change

« Le changement climatique est lié aux enjeux sécuritaires les plus pressants de notre époque. Aucun pays ne sera épargné », a reconnu la vice-secrétaire générale, Amina Mohamed, de retour d’un voyage dans la région du Sahel où elle a pu mesurer les effets des hausses des températures : « Déplacement forcé des populations locales, perte des moyens de subsistance, risques alimentaires accrus, marginalisation socio-économique et affaiblissement des institutions publiques qui agissent comme démultiplicateurs de la menace », a-t-elle détaillé.

De nombreux Etats avaient d’ailleurs fait le déplacement à New York pour souligner que si les événements climatiques extrêmes sont les plus visibles, d’autres phénomènes plus lents comme la sécheresse, la salinisation des sols ou la montée des eaux contribuent à générer ou raviver des tensions sur des sociétés déjà fragilisées.

Cette vulnérabilité des populations face à la hausse des températures a été incarnée avec force par Hindou Ibrahim, membre de la communauté peule au Tchad et représentante de l’ONG International Indigenous Peoples Forum on Climate Change (IIFPCC). « Plus de 80 % des communautés au Sahel sont dépendantes de l’environnement. La disparition des ressources naturelles entraîne des conflits locaux qui deviennent nationaux puis régionaux. C’est un terreau fertile pour le terrorisme », a-t-elle assené aux diplomates en leur demandant de « redonner de l’espoir » aux communautés locales, pas uniquement pour leur permettre de « survivre » mais de « vivre ».

Le ministre chargé des ressources en eau d’Irak, le Dr Hassan Janabi, dont 90 % du territoire est menacé par la désertification, a pris l’exemple du bassin du Tigre et de l’Euphrate qui ont perdu 50 % de leur volume en vingt ans. Ce stress hydrique a privé la vallée de 15 % de sa surface cultivable, poussant le gouvernement à interdire la culture du riz et du maïs.

Demande d’une « réponse vigoureuse »

Pour mieux appréhender « cette nouvelle réalité » des conflits contemporains, une majorité des Etats membres a demandé au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, de mettre en place un rapport annuel détaillant les risques liés au changement climatique dans les zones de conflits mais aussi dans les régions stables. L’ambassadeur français, François Delattre, a soutenu l’idée d’une « diplomatie multilatérale du XXIe siècle qui intègre pleinement les impacts du changement climatique dans une démarche de prévention des conflits ».

M. Gutteres pourra s’appuyer sur l’ensemble des agences de l’ONU ayant une expertise sur le sujet (FAO pour l’agriculture, PNUE pour l’environnement, CCNUCC pour le changement climatique et le GIEC pour le climat) dont la coordination est encore trop limitée.

Baron Waqa, le président de la République de Nauru, petite île du Pacifique de 21 kilomètres carrés, a plaidé pour « une réponse vigoureuse » et suggéré la création d’un poste de représentant spécial pour le climat et le risque sécuritaire. Car « malgré l’accord de Paris, la situation va continuer à se dégrader à une ampleur qui dépasse tout ce qu’il s’est produit jusqu’à présent », a-t-il prédit.