Le 10 juillet, à Saint-Pétersbourg. / Natacha Pisarenko / AP

En 2016, quand la France avait éliminé l’Allemagne en demi-finales de l’Euro, beaucoup pensaient qu’elle était déjà presque championne d’Europe avant même d’affronter le Portugal. Les six Bleus présents ce soir-là et qui disputeront la finale dimanche 15 juillet face à la Croatie ne veulent pas revivre cette situation. Quand on perd, on souffre, et les Français ne veulent pas souffrir une nouvelle fois. Ils seront prêts dimanche, forts de cette expérience malheureuse. Ils ont retenu la leçon. La France a gagné tous ses matchs avant les tirs au but ou la prolongation, à la différence des Croates, elle va forcément avoir cette étiquette de favorite. L’expérience de Didier Deschamps va aussi aider l’équipe à appréhender cette finale.

De leur côté, les Croates sont forcément fatigués. Mais on peut aussi se dire qu’ils ne peuvent que croire à leur étoile après un tel parcours. Vont-ils être dans l’état d’esprit de se satisfaire d’être déjà en finale ? C’est toute la question. D’une manière plus générale, cette équipe m’a donné l’impression d’avoir deux visages pendant ce tournoi. Parfois, elle a été assez ordinaire, mais elle a été aussi brillante par ses individualités et même collectivement.

En demi-finales, j’ai trouvé les Croates presque résignés face à l’Angleterre en première mi-temps, qui a sans doute eu le tort de trop gérer à 1-0 pour elle. Après la pause, ils sont revenus sur le terrain avec une attitude complètement différente, ce n’était plus la même équipe. Sur son côté gauche, Ivan Perisic a été celui qui a déclenché la révolte. Par ses appels, ses dribbles et son but bien sûr, il a allumé la flamme et entraîné ses coéquipiers dans son sillage.

Des joueurs prêts à se sacrifier les uns pour les autres

Quand on prend les onze titulaires, presque tous évoluent dans de grands clubs européens. La qualité est présente, la maîtrise technique aussi. En milieu de terrain, on a un peu moins vu Ivan Rakitic. Il m’a donné l’impression d’être fatigué, de ne pas avoir le rayonnement qu’il a avec Barcelone tout au long de la saison. Luka Modric, lui, a évolué plus haut sur ces deux derniers matchs. Il est plus influent et dangereux dans ce positionnement.

Il n’y aura pas de marquage particulier sur lui, puisque la France évolue dans un système de zone, mais on avait pu voir contre la Belgique que Paul Pogba avait exercé une surveillance plus particulière sur Marouane Fellaini, par exemple. Je fais confiance à Didier Deschamps pour définir quelle stratégie adopter avec Modric. A chaque match, il est parvenu à anticiper les problèmes posés par l’adversaire ou à y répondre très vite en cours de jeu.

Un élément me donne beaucoup de confiance pour dimanche. Sur tous ses matchs depuis les huitièmes de finale, l’équipe de France a été meilleure en seconde mi-temps au niveau athlétique, mais aussi sur le plan mental et collectif. Elle m’a donné l’impression de monter en puissance, ce qui est intéressant face à des Croates qui ont trois prolongations de trente minutes dans les jambes et sont allés au bout d’eux-mêmes. La fraîcheur mentale sera un atout important et je sens depuis le début une équipe avec des joueurs prêts à se sacrifier les uns pour les autres. C’est aussi ce que j’aime avec ces Bleus.

Gérard Houllier, ancien sélectionneur des Bleus, analysera pour « Le Monde » tous les matchs de l’équipe de France pendant la Coupe du monde.