Des manifestants défilent contre le président Ortega. / OSWALDO RIVAS / REUTERS

La situation ne s’apaise pas au Nicaragua. Drapeaux bleu et blanc au vent, des milliers d’opposants ont défilé, jeudi 12 juillet, dans tout le pays pour exiger le départ du président Daniel Ortega tandis que des affrontements dans le sud-est du pays ont fait cinq morts.

« Cinq personnes ont été tuées dans des affrontements à Morrito [sud-est], dont quatre policiers et un manifestant », a déclaré, sans fournir davantage de détails, Vilma Nunez, la présidente du Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh).

Selon des informations préliminaires, les incidents se sont produits lorsque des manifestants ont marché à proximité d’un commissariat de police.

La dirigeante d’un mouvement de la société civile, Francisca Ramirez, a affirmé que les manifestants ont été « attaqués par des paramilitaires » et que certains d’entre eux, qui étaient armés, ont riposté par des tirs.

Les manifestations organisées dans le pays par l’Alliance civique pour la démocratie et la justice, coalition de l’opposition qui inclut des secteurs de la société civile, sont baptisées « Ensemble nous sommes un volcan ». « Justice ! », « Pas un pas en arrière ! », « Le peuple uni ne sera jamais vaincu ! », ont scandé les manifestants le long du parcours au sud-est de Managua.

Carolina Aguilar, 52 ans, a défilé car elle « en a marre de ce gouvernement qui tue impunément ». « On ne peut pas vivre avec un assassin », a-t-elle ajouté. « Nous voulons que ce gouvernement s’en aille. Ce que nous voulons, c’est la liberté et la démocratie. Ça fait onze ans qu’on le supporte. Le peuple est fatigué », a lancé un homme de 40 ans au visage dissimulé par un foulard, souhaitant rester anonyme par peur d’être dénoncé par les partisans du pouvoir. « Je suis ici car je suis mère et ça me fait mal de voir que des jeunes sont morts dans cette lutte contre cet homme sans pitié. Je demande son départ », a expliqué à l’AFP Rosa Martinez, 59 ans.

Journée de grève générale vendredi

Dans le quartier indigène de Monimbo, au sud de Masaya, les barricades sont toujours debout, malgré le renforcement de « l’opération nettoyage », ordonnée par le gouvernement ces dernières semaines. / OSWALDO RIVAS / REUTERS

Pour l’opposition, cette marche est le point de départ d’une série d’actions pour accentuer la pression sur le président Daniel Ortega, avec notamment une journée de grève générale prévue pour vendredi.

Des camionnettes des forces antiémeutes qui circulaient dans le même secteur de la marche ont provoqué l’inquiétude des habitants et des manifestants.

En réaction, le gouvernement prépare une marche en mémoire de la révolution sandiniste de 1979, vendredi vers Masaya, la ville la plus rebelle du pays, à une trentaine de kilomètres de Managua.

Ce projet du gouvernement suscite aussi des craintes dans le quartier indigène de Monimbo, au sud de Masaya, où les barricades sont toujours debout, malgré le renforcement de « l’opération nettoyage » ordonnée par le gouvernement ces dernières semaines.

« Ils ne vont jamais entrer, à moins qu’ils ne nous tuent tous », assure un homme cagoulé sur une de ses barricades, chemise et casquette vert olive.

Depuis le 18 avril, les manifestants antigouvernementaux exigent le départ de Daniel Ortega, au pouvoir depuis onze ans, accusé d’instaurer une dictature au Nicaragua avec sa femme, Rosario Murillo, la vice-présidente.

264 morts en trois mois de protestation

La situation au Nicaragua est critique, a estimé mercredi la Commission interaméricaine des droits de l’homme. / JUAN CARLOS ULATE / REUTERS

La situation au Nicaragua est critique, a estimé mercredi la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), devant le conseil permanent de l’Organisation des Etats américain (OEA) à Washington, dénonçant l’aggravation de la répression et chiffrant à 264 le nombre de morts causées par la vague de violence en près de trois mois de protestation.

En réponse, le ministre des affaires étrangères nicaraguayen, Denis Moncada, a estimé que le rapport de la CIDH faisait preuve de « préjugés et manquait d’objectivité ». « On ne peut pas confondre un mouvement de protestation pacifique et des actes terroristes », a-t-il répliqué.

Très influente au Nicaragua, l’Église catholique joue le rôle de médiatrice entre le gouvernement et l’opposition, en demandant notamment des élections anticipées, mais sans succès : le président Ortega a rejeté samedi cette éventualité.

Le week-end dernier, 14 personnes sont mortes dans de violents raids des forces de l’ordre dans les villes de Diriamba et Jinotepe, dans le sud-ouest du pays. A Diriamba, la tension est encore montée d’un cran lundi : une centaine de partisans du président Ortega et de paramilitaires ont agressé des prélats catholiques, dont le nonce apostolique (ambassadeur du pape) Stanislaw Waldemar Sommertag, dans une basilique.

Pourtant, le Vatican a fait savoir jeudi qu’il n’entendait pas protester auprès du gouvernement. « Le nonce a su très bien gérer la situation. Nous n’allons pas protester », a expliqué le cardinal Pietro Parolin, le cardinal secrétaire d’Etat à la chaîne catholique italienne TV 2000.

Les évêques nicaraguayens ont annoncé qu’ils convoqueraient des sessions plénières dans les prochains jours, estimant que le dialogue était la seule voie pour résoudre la crise.