Des tirs de roquette sont lancés depuis Gaza en direction d’Israël, samedi 14 juillet 2018. / BASHAR TALEB / AFP

L’armée israélienne et le Hamas ne veulent pas de guerre dans la bande de Gaza, mais chacun contribue, à sa manière, au glissement vers cette sombre perspective. Le ciel au-dessus du territoire palestinien a été marqué par un chassé-croisé de frappes aériennes et de tirs déclenchés par les factions palestiniennes, dans la nuit du 13 au 14 juillet, puis à nouveau au cours de la journée de samedi. Les sirènes d’alerte ont intimé l’ordre aux habitants des communautés israéliennes, le long de la frontière, de se mettre à l’abri.

Du côté gazaoui, plus d’une cinquantaine de tirs de roquettes et de mortiers ont été initiés. Vendredi, un soldat déployé le long de la clôture frontalière a été blessé au torse par un engin explosif. L’armée israélienne, elle, a déclenché des frappes sur des installations militaires attribuées au Hamas. Dans la seule après-midi de samedi, 40 cibles ont été visées selon le porte-parole de l’armée, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus. Un même emplacement peut comporter plusieurs bâtiments à bombarder. Le quartier général du bataillon du Hamas à Beit Lahia a été entièrement détruit. Il comportait des entrepôts d’armement, des centres de commandement, des installations pour l’entraînement. En outre, deux tunnels - au nord de la bande et au sud, près de Rafah - ont été visés.

Répétition

« Notre message aux habitants de Gaza est que le Hamas les pousse au bord de l’abysse », explique Jonathan Conricus. Selon l’armée, le Hamas organise depuis des mois une escalade de violence sur plusieurs fronts, à laquelle Israël se doit de répliquer : il s’agit à la fois de tirs de roquettes, d’engins explosifs le long de la clôture et d’engins volants incendiaires, lancés en direction des communautés frontalières. Des montées de fièvre similaires avaient eu lieu le 29 mai puis le 20 juin. Le Hamas a décidé de ne plus demeurer en position passive, lorsque des frappes israéliennes sont déclenchées sur le territoire gazaoui.

Depuis plusieurs mois, le Hamas et le Djihad islamique, les deux principales factions armées palestiniennes, disent accepter l’idée d’une trêve dans l’utilisation massive des roquettes. Les dirigeants du Hamas envisagent ouvertement la possibilité d’un cessez-le-feu à long terme avec Israël, sur dix ou quinze ans, à une condition : un allégement substantiel, voire une levée, du blocus égypto-israélien enserrant Gaza. Pour renforcer sa position dans les négociations, le Hamas a intérêt à montrer sa capacité de nuisance, alors que la situation économique et sociale est catastrophique dans le territoire.

Les factions se sont concentrées depuis la fin mars sur « marche du grand retour », le long de la clôture frontalière, lors de laquelle près de 135 personnes ont été tuées et plus de 4 000 blessées par les soldats israéliens. Vendredi, un adolescent de 15 ans tentant d’escalader la clôture a été abattu. Malgré ce bilan, le Hamas n’a pas répliqué militairement de façon massive. Mais l’utilisation de ballons incendiaires, gonflés à l’hélium, et de cerfs-volants aux extrémités enflammées - encouragée voire organisée par le mouvement islamiste - a modifié les lignes rouges de chacun.

Efforts diplomatiques

Depuis deux mois, ces armes rudimentaires ont provoqué la destruction de 25 hectares de terres dans les communautés israéliennes proches de Gaza. Elles ont surtout créé, pour la première fois depuis la guerre de 2014, un sentiment d’insécurité et de colère parmi la population. La pression politique exercée par les faucons du Likoud et la droite messianique, en vue d’une réponse massive de l’armée, a placé l’état-major et le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, dans l’obligation d’agir.

Pourtant, les hauts gradés et le chef du gouvernement considèrent actuellement Gaza comme un sujet secondaire par rapport à la situation dans le sud de la Syrie, à savoir la reprise en main du pays par Damas et la question de la présence iranienne, qu’ils veulent empêcher. En outre, M. Nétanyahou est impliqué dans les négociations multilatérales visant à améliorer la situation humanitaire à Gaza. Elles sont initiées par le coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix, Nikolaï Mladenov. Parallèlement, l’administration Trump, par l’intermédiaire de l’avocat Jason Greenblatt et du gendre-conseiller du président, Jared Kushner, essaie aussi d’impliquer les pays arabes sunnites dans des initiatives économiques pour faire bouger les lignes dans le conflit israélo-palestinien. Une nouvelle guerre entre Israël et le Hamas serait un désastre humain et compromettrait ces efforts diplomatiques.