Beyonce et Jay-Z en novembre 2016 à Cleveland, Ohio. / BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

Programmé le même jour que la finale de la coupe du monde de football, le 15 juillet, le deuxième concert au Stade de France de Beyoncé et de Shawn Carter, alias Jay-Z, avait du mal à se remplir. Si l’annonce par les organisateurs, que le match France-Croatie serait diffusé sur grand écran, avant le show, a reboosté les ventes, 10 000 places restaient encore disponibles, la veille.

A en juger par la prestation des « Carters », le 14 juillet, dans une arène, cette fois, à guichets fermés, les supporters français pourraient soit se consoler, soit prolonger l’euphorie de la victoire, en assistant dimanche au spectacle XXL de stars américaines.

Plus qu’un simple couple de vedettes des musiques urbaines, la chanteuse et son rappeur-entrepreneur de mari sont devenus une entité artistique et commerciale mettant en scène vie sentimentale et familiale dans leurs disques respectifs ou communs, tel le dernier album en date, Everything is Love, paru le 16 juin, sous le nom de The Carters.

Films familiaux

Dans la foulée, leur deuxième tournée en duo, OTR II, après le On The Run tour de 2014, se nourrit aussi de cette vie privée affichée en public. Au Stade de France, l’écran géant de fond de scène rythme ainsi le concert d’une suite d’épisodes vidéos – constituée d’un montage de clips et de films familiaux – contant plus ou moins métaphoriquement la passion originelle, les disputes et les tensions, la repentance et la réconciliation, le bonheur retrouvé avec leurs trois enfants. Sur fond de références religieuses, ces moments pourraient se réduire à l’esthétique neu-neu de la télé-réalité. La connection artistique de Jay-Z et Beyoncé est heureusement plus riche que celle de Kanye West et Kim Kardashian.

Depuis leur première collaboration, en 2002, pour le single ‘03 Bonnie & Clyde, on sait à quel point leur différence et leur complémentarité peuvent faire des étincelles. Elle, vocaliste surdouée de la bourgeoisie texane, dont les talents de danseuse ont amplifié la popularité. Lui, le gamin de Bedford-Stuyvesant, quartier dur de Brooklyn, à New York, dont la culture de rue a façonné la verve de rappeur et l’efficacité de self-made man.

Trouvailles musicales

Pendant 2 h 30 et une quarantaine de titres (souvent joués en version raccourcie) piochés dans le répertoire de chacun, leur profil respectif permet d’alterner sans temps-morts des tableaux, où s’affirment l’énergie revencharde de Jay-Z (Dirt Off You Shoulder), son assurance bravache de milliardaire autodidacte (Fuckwithmeyouknowigotit, Clique), sa capacité à transformer les épreuves en potion euphorisante (99 Problems, Public Service Announcement), mais aussi sa vulnérabilité (Song Cry) et une conscience politique afro-américaine (The Story of O.J.).

Les performances de Beyoncé se fondent et s’enchaînent brillamment à celles de son époux, grâce à des trouvailles musicales et vidéos, à la richesse d’une scénographie multipliant passerelles surélevées, trappes escamotables, promenades dans le public et des chorégraphies où continue d’exceller Queen Be, accompagnée d’une douzaine de danseuses aussi spectaculaires que la douzaine de danseurs de Jay-Z.

« Girl power »

Si son mari change encore plus souvent de tenues qu’elle, guêpières en strass ou en pied-de-poule, cuissardes en vinyle, short en jean ou corset d’argent amplifient un sex-appeal assumé avec une autorité de maitresse-femme. La désormais blonde peut piquer une colère soul (Ring The Alarm), incarner l’épouse blessée par les infidélités (Resentment), en jouant en virtuose du velouté de ses quatre octaves et demi. Aussi à l’aise dans les rythmes sudatoires que dans la volupté, elle peut aussi twerker sur ses hymnes féministes (Flawless, Run The World (Girls)) en icône du « girl power ».

Convaincants chacun de leur côté, Beyoncé et Jay-Z font d’autant plus fructifier leurs différences quand ils se retrouvent en duo. Plusieurs des morceaux de bravoure du concert consistent ainsi en un jeu de contrastes entre cet aristo du ghetto et sa reine pop. Si le couple n’a pas joué Apeshit, le titre illustré par le désormais célèbre clip tourné au musée du Louvre, il a célébré royalement son « real love » et sa domination sur le R’n’B contemporain dans les éclatants Upgrade U, Déjà Vu, Crazy in Love, avant de conclure avec Young Forever, rêvant d’une jeunesse (et d’un règne) éternel.

Concerts : Le 15 juillet, au Stade de France, à Saint-Denis, de 56,50 euros à 139 euros ; le 17, au stade Allianz Riviera, à Nice (complet).