Elif, serveuse du bar-restaurant de la place du centre-ville de Bondy, a vécu le soir de la finale dans une ambiance heureuse et bon enfant avec les supporteurs français et croates. / Rafael Yaghobzadeh / Hans Lucas pour Le Monde

Aux fenêtres, quelques drapeaux français flottent encore en silence, et sur la devanture des bars de la ville, on peut voir les affiches collées la veille, annonçant la retransmission de la finale France-Croatie, qui mettent toujours en avant l’image du seul joueur qui fasse vraiment vibrer le cœur de la ville : Kylian Mbappé.

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Ce lundi 16 juillet au matin, Bondy est à nouveau dans la lumière, prise d’assaut par les journalistes grâce à sa star locale qui, après ses premiers dribbles à l’association sportive de la ville, fait l’unanimité à l’international. Comme partout ailleurs en France, la ville s’est réveillée péniblement d’une longue nuit d’euphorie, agitée de klaxons, de pétards, de chants et de danses de supporteurs. Les rues sont vides, calmes, mais sur les visages s’esquissent des sourires, et dans l’air le souvenir d’une soirée inoubliable.

Dans son café du centre-ville, Elif n’est pas étonnée d’être interviewée : elle connaît « l’effet Kylian ». Au lendemain d’un service exceptionnel de treize heures d’affilée, elle sert ses clients avec le même entrain que la veille, sans montrer le moindre signe de fatigue. « Depuis que je travaille ici, je n’ai jamais vu autant de monde, avoue cette quinquagénaire derrière son comptoir orné d’un drapeau tricolore. Ça sautait dans tous les sens, il y avait une très bonne ambiance, sans histoires, et c’est ce qu’on a tous apprécié. » Cette atmosphère bouillonnante, Amar et Khalid, respectivement 49 et 47 ans, l’ont également constatée depuis le snack atypique qu’ils tiennent près de l’avenue Gallieni, à l’intérieur d’un ancien kiosque à journaux. Ils ont regardé le match sur leur téléphone portable. « C’était désert autour de nous, raconte Amar, mais dix minutes après la fin, c’était parti : des voitures, des motards, et même de la fumée… »

18 Bondynois reçus à l’Elysée

Devant le stade Léo-Lagrange de Bondy, dix-huit jeunes joueurs sélectionnés du club de l'AS Bondy attendent le départ du bus pour se rendre au palais de l'Elysée, où ils sont invités pour rencontrer leurs idoles autour de mille autres jeunes joueurs de toute la France, le 16 juillet. / Rafael Yaghobzadeh / Hans Lucas pour Le Monde

Eux avaient déjà connu l’ambiance festive de la victoire en 1998 ; pour les plus jeunes en revanche, l’exaltation est nouvelle, et avec elle les scènes de liesse, qui se résumaient jusqu’ici à des images d’archives vues à la télé. « C’était fou, témoigne Anassar, 15 ans, qui n’en revient toujours pas. Les gens montaient sur les capots des voitures ! Je n’ai pas pu m’endormir avant 2 heures du matin tellement il y avait de bruit ! » Résultat : une petite mine, mais qui ne l’empêche pas de sortir avec son petit frère pour jouer au foot, comme beaucoup d’adolescents du quartier.

Il y en a d’autres, chanceux, pour qui la magie de la soirée se prolonge de façon inattendue. Devant l’entrée du stade Léo-Lagrange, qui a diffusé la finale sur grand écran, dix-huit jeunes de l’AS Bondy, âgés de 12 à 15 ans, attendent sagement le minibus qui doit les emmener sur les Champs-Elysées, pour assister au défilé de l’équipe de France, et surtout rencontrer les champions du monde.

Ils ont été choisis « au mérite » par le club de la ville, mais l’initiative vient de l’Elysée, qui a invité un millier de jeunes de partout en France pour une réception au palais, en présence des Bleus. « On est heureux », assurent Adam et Yazid, 12 ans, malgré la retenue sur leurs visages. Les deux garçons jouaient au foot chez eux, après le match, quand leurs parents leur ont annoncé la nouvelle. « Je suis stressé, avoue Yazid. Ça va être bizarre de les voir en vrai, de leur parler. » Même appréhension pour Adam, qui a pourtant préparé dans sa tête quelques questions à leur poser. « J’ai peur que ça ne sorte pas quand ils seront en face de moi », s’inquiète-t-il.

Un peu plus loin, une mère de famille fait un dernier signe de la main à son garçon de 12 ans, heureux élu lui aussi de cette incroyable expédition. « Il n’a pas de téléphone portable, alors je lui en ai donné un exprès pour qu’il puisse faire des photos ! » raconte-t-elle. Le président de l’AS Bondy, Athmane Airouche, est ravi : « Ça va être fantastique, ils vont revoir Kylian, ils vont voir le président… Leur sourire ce soir, ça n’aura pas de prix. » Cette opportunité unique pour les Bondynois ne devrait pas être la dernière puisque la mairie travaille déjà à la nouvelle étape : un retour de Kylian Mbappé, dans la ville qui l’a vu grandir.