La France a remporté sa deuxième Coupe du monde, la Croatie est allée jusqu’en finale, la Russie jusqu’en quarts, et l’Allemagne, pour la première fois depuis 1938, n’a joué que trois matchs. Un tel tournoi ne se résume pas qu’à des résultats et à des considérations tactiques sur le 4-2-3-1. Dans notre ère ultraconnectée, certaines actions et gestes plus politiques, humoristiques, sentimentaux survivront.

Neymar, perpétuellement à terre

On a presque plus parlé du temps que le Brésilien a passé allongé sur la pelouse (13 minutes 50 secondes) que de son faible rendement (2 petits buts et 1 passe décisive) ou de sa maladresse (84 ballons perdus, un record). La faute aux attentes démesurées envers le footballeur le plus cher de l’histoire, mais aussi à sa propension à en faire trop dès qu’un adversaire le touchait. Certes Neymar est le joueur qui a subi le plus de fautes dans la compétition (25), mais ses roulades exagérées et ses cris éphémères ne lui ont valu aucune sympathie. Ses simulations, comme ce penalty sifflé puis annulé contre le Costa Rica, encore moins.

L’attitude du Brésilien a été défendue ou vilipendée, comme par le coach mexicain Juan Carlos Osorio, qui a parlé « d’une honte pour le football » à la suite de cette crise provoquée par une cheville touchée. Le théâtre de Neymar n’a laissé personne indifférent, et notamment en ligne, où rien n’est aussi viral que la moquerie.

L’amour entre Mexicains et Coréens né de l’élimination de l’Allemagne

Les Mexicains avaient toutes les raisons de remercier les Sud-Coréens. Battus 3 à 0 par la Suède, ils seraient rentrés chez eux en cas de victoire allemande. A 0-0 à la 90e minute, les Allemands continuaient de pousser. Jusqu’à craquer… deux buts plus tard, et les champions du monde rentraient à la maison… avec les Coréens, déjà éliminés. Grands vainqueurs du jour, les Mexicains pouvaient remercier leurs nouveaux frères coréens. Au pays, des supporteurs ont même porté le consul général de Corée du Sud en triomphe. Qui a dit que le football ne rassemblait pas les peuples ?

La touche-roulade iranienne à la 93e

Il y a des gestes complètement fous qui entrent immédiatement dans la légende du Mondial : la main de Maradona, la panenka de Zidane et la touche-roulade de Milad Mohammadi. Celui-ci ne le fera pas pour les mêmes raisons. Milad Mohammadi n’est pas allé au bout de son geste. On joue la 93e minute du match entre l’Espagne et l’Iran, qui perd 1-0. La dernière action iranienne est une touche. Mohammadi se saisit du ballon, fait une rapide prière, hésite un instant puis se lance dans un geste fou et le rate totalement. L’Iran est battu, et Mohamadi entre dans l’histoire en ayant raté ce que la Brésilienne Leah avait réussi.

Les majeurs de Robbie Williams et de Diego Maradona

Von Der Laage Gladys Ch/SIPA

Avant le crochet de Cheryshev contre l’Arabie saoudite, c’était le geste de ce début de Coupe du monde : le doigt de Robbie Williams lors de la cérémonie d’ouverture. Un geste qui, bien sûr, n’était pas un bon gros doigt d’honneur, mais un « compte à rebours ». Diego Maradona, qui a fait ce qu’il voulait en tribune pendant une bonne partie du Mondial, a atteint le zénith après le but salvateur de Marcos Rojo contre le Nigeria avec deux majeurs levés avec hargne, accompagnés d’un « puto » venu du fond du cœur. Le tout filmé bien sûr en gros plan, en direct pour toute la planète.

Les menaces contre les joueurs sur les réseaux sociaux

Le gardien argentin Caballero, après sa boulette contre la Croatie, le Colombien Carlos Sanchez, exclu dès le début du match contre le Japon, le Suédois Jimmy Durmaz, coupable sur l’égalisation à la dernière minute de l’Allemagne…, ces joueurs ont reçu des menaces de mort pendant la compétition. Des gestes qui rappellent forcément le défenseur colombien Andres Escobar, tué à son retour au pays pour avoir mis un but contre son camp en 1994. Sauf que ces menaces modernes n’ont jamais donné lieu à de tels drames, se résumant souvent à des messages anonymes sur les réseaux sociaux.

Les Japonais nettoient derrière eux

Pavel Golovkin / AP

Peu d’équipes ont connu une fin de Coupe du monde aussi brutale que le Japon. Eliminés à la dernière seconde sur un contre belge, les Japonais sont partis sur une belle image de Russie : un match plein, et côté coulisse un vestiaire laissé comme neuf et un petit « merci » laissé pour les organisateurs russes. Une petite attention qui a rapidement fait le tour du monde. Leurs supporteurs s’étaient déjà fait remarquer en nettoyant les stades après leur passage. Et ce même quand les larmes coulaient.

Le premier but de l’histoire du Panama

Il est des buts qui n’empêchent pas une défaite, mais dont la valeur est sans pareil. Comme le but panaméen de Felipe Baloy contre l’Angleterre. Menés 6-0, ce but panaméen n’allait pas enclencher une remontée extraordinaire. Et pourtant à en écouter les réactions panaméennes, on aurait presque pu croire au but de la victoire. Pour ce petit pays de moins de quatre millions d’habitants, qui participait là à sa première Coupe du monde, il s’agissait du premier but de son histoire dans la compétition.

L’aigle d’Albanie et la guerre de l’ex-Yougoslavie dans les célébrations

Laurent Gillieron / AP

Même si le président de la FIFA, Gianni Infantino, maintient que « la Coupe du monde n’est pas un événement politique et ne doit pas l’être », la politique n’est jamais loin du football. Comme lors de la victoire de la Suisse contre la Serbie (2-1). Les deux buteurs suisses, Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri, ont célébré en mimant l’aigle bicéphale, symbole de l’Albanie. Un geste de soutien au Kosovo, d’où ils sont originaires, et dont la Serbie n’a jamais reconnu l’indépendance. La FIFA a infligé des amendes de 8 660 euros aux joueurs impliqués. « Cela ne va pas se répéter dans l’avenir, parce qu’il n’y aura plus de match comme celui-là », a conclu, philosophe, Valon Behrami, autre joueur suisse d’origine kosovare.

Les écoliers uruguayens et la souffrance dans le football

Cette courte vidéo a été diffusée quelques heures après la victoire à la dernière seconde de l’Uruguay contre l’Egypte. On voit, dans une salle de classe, de jeunes Uruguayens et Uruguayennes suivre les dernières minutes du match et devenir fous quand Jose Maria Gimenez marque à la toute fin. Elle a été vue plus de 4 millions de fois, et a mis les larmes aux yeux, on imagine, à autant de personnes. Le site uruguayen Decano, à l’origine de la diffusion, a tenté d’expliquer ce qu’elle symbolisait :

« Cette vidéo spontanée montre bien comment les Uruguayens vivent le football. Dès notre plus jeune âge, on sait qu’une telle action est peut-être la dernière occasion de gagner le match. C’est pour ça que les enfants étaient tous debout, à encourager. On ne sait pas pourquoi, nous Uruguayens aimons ce triomphe agonique, nous le préférons à une victoire 5-0. » Mais pas à une défaite sans appel face à la France en quarts.

Omar Da Fonseca, commentateur poétique

Le Mondial a été beau, mais même quand il ne l’était pas, les phrases déstructurées et poétiques du consultant de la chaîne BeIn Sports, Omar Da Fonseca, le rythmait. Il s’emporte, la voix cassée, s’énerve, perd le fil de sa pensée, se répète, pioche dans un dictionnaire imaginaire et juxtapose des mots pour inventer d’étranges expressions. Argentin de naissance et ancien joueur professionnel au PSG et à Monaco, Da Fonseca a conté en direct le naufrage de son équipe, l’a vécu avec les supporteurs, et nous l’a fait partager.

Ses détracteurs lui reprochent de prendre trop de place au détriment du match, de déborder de son poste de consultant, de ne pas être impartial. Mais que vaut l’impartialité si elle ne nous donne qu’une narration soporifique et prévisible, avec des variantes de « pour battre cette équipe, il faudra marquer un but » pendant quatre-vingt-dix minutes ? Il nous a résumé sa méthode ainsi :

« Dans ce métier, on commente beaucoup de matchs, et à un moment donné, la répétition des phrases m’ennuie. Je ne trouve pas intéressant de dire une fois, deux fois, cinq fois “il a frappé du plat du pied”. Notre ennemi est la banalité. »