Christine Lagarde, directrice générale du FMI, le 25 mai à Saint-Pétersbourg. / KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP

Le monde peut bien disserter des risques, pour l’économie, de la brusque montée des tensions commerciales. Les chiffres, eux, n’en portent pas la trace. Pour l’instant, tout du moins. Les nouvelles prévisions présentées, lundi 16 juillet, par le Fonds monétaire international (FMI) font état d’une croissance mondiale qui devrait atteindre près de 4 % en 2018 et 2019. Ce chiffre – + 3,9 % très exactement – n’a pas bougé d’un iota depuis les derniers pronostics établis en avril par le FMI.

L’institution maintient donc son scénario malgré les salves protectionnistes lancées, entre-temps, par les Etats-Unis contre tous leurs grands partenaires (Union européenne, Chine, Canada, Mexique…), qui ont aussitôt riposté. Les effets négatifs des mesures, annoncées et à venir, devraient être contenus, estime le FMI, puisque « jusqu’ici, celles-ci affectent seulement une très petite part du commerce mondial ». Et les répercussions sur le sentiment des marchés financiers devraient être « limitées », poursuit le Fonds.

Reste que les menaces de rupture sont bien là. La bataille commerciale, si elle se poursuit et s’amplifie, « pourrait faire dérailler la reprise et réduire les projections de croissance à moyen-terme », alerte l’institution. En augmentant l’incertitude, elle risque de faire chanceler l’investissement, qui a été, et demeure, l’un des principaux moteurs du redressement économique planétaire.

Signaux d’alerte

Le pire n’est pas toujours sûr. Mais déjà, le tableau de bord de l’économie mondiale présente des signaux d’alerte. Globalement, la croissance est devenue « moins homogène ». Parmi les pays avancés d’abord, entre d’un côté les Etats-Unis et, en face, tous les autres. Le puissant stimulus budgétaire de l’administration de Donald Trump fait tourner de plus en plus vite une économie américaine déjà très robuste (+2,9 % en 2018). L’accélération de l’activité devrait permettre au taux de chômage de baisser à des niveaux jamais vus depuis 50 ans. Au risque de raviver les pressions inflationnistes. Et, prévient le FMI, d’accroître les « déséquilibres mondiaux », puisqu’en carburant plus fort, les Etats-Unis importeront davantage et creuseront leur déficit commercial…

A contrario, la zone euro voit ses prévisions de croissance légèrement rabaissées : elle devrait progresser de 2,2 % en 2018, alors que le FMI, lui, prédisait 2,4 % en avril. Entre-temps, l’activité a légèrement flanché en Allemagne et surtout en France, dont les pronostics sont nettement révisés (+1,8 % en 2018 et +1,7 % en 2019, au lieu de 2,1 % et 2 % prévus précédemment). L’Europe pâtit aussi de l’incertitude en Italie, où les turbulences politiques risquent d’affecter l’activité.

Les pays émergents et en développement ont également affronté, ces derniers mois, de puissants vents contraires. La montée des prix du pétrole a, logiquement, favorisé les exportateurs mais pesé sur les autres. L’appréciation du dollar (+5 % ces dernières semaines) et la remontée des taux d’intérêt américains ont fait dévisser les monnaies de plusieurs grands émergents. Les pays aux comptes extérieurs les plus déséquilibrés ont été les plus secoués. Parmi eux, l’Argentine, le Brésil ou l’Inde pour lesquels le FMI a revu ses prévisions de croissance à la baisse.

Risque de poussée inflationniste aux Etats-Unis

Actuellement, les conditions financières demeurent favorables. Mais la situation pourrait se compliquer, met en garde le Fonds. Les éléments perturbateurs ne manquent pas, entre le risque de poussée inflationniste aux Etats-Unis, l’escalade des tensions commerciales et la menace de chocs géopolitiques. A la clé, une correction sur les marchés mettrait durement à l’épreuve les économies les plus endettées.

Et pour l’avenir ? Tout en renouvelant son exhortation traditionnelle à accélérer les réformes structurelles, le FMI lance des recommandations ciblées. Aux Etats-Unis, priés d’appuyer sur le frein en matière de stimulus budgétaire. A l’Allemagne, aussi, invitée à utiliser ses vastes surplus commerciaux pour soutenir la croissance et réduire les déséquilibres mondiaux. La leçon n’est pas nouvelle. Tout comme l’appel à sauver la coopération internationale.

Pour préserver, au niveau planétaire, l’innovation, la productivité et l’amélioration des conditions de vie, « les pays devraient travailler ensemble (…) à résoudre leurs désaccords sans augmenter les barrières tarifaires et non-tarifaires », préconise le FMI. Un conseil sans cesse répété depuis l’élection de Donald Trump, au point de donner l’impression que l’institution prêche de plus en plus dans le désert…