L’exposition « Jean Cotelle (1646-1708). Des jardins et des dieux », présentée au Grand Trianon, à Versailles, jusqu’au 16 septembre, ne manquera pas de ravir les amateurs de jardins historiques. Tout d’abord pour son principal sujet : les vingt et une peintures de grand format des jardins de Louis XIV, commandées par le roi lui-même à ce talentueux peintre de miniatures – mais dont la renommée est demeurée modeste. Mais aussi parce que la vue sur les jardins, à travers les baies vitrées de la « galerie des Cotelle », accompagne le visiteur, avant qu’il n’arpente les « vrais » parterres, dont le fleurissement a été conçu spécialement par les jardiniers de Versailles.

Le fleurissement des parterres a été directement inspiré par la « Vue du Grand Trianon prise des parterres, avec Flore et Zéphyr ». / L. JEDWAB/« LE MONDE »

Le choix de Jean Cotelle pour la décoration d’un des séjours favoris du roi à Versailles, loin des fastes de la galerie des Glaces et des Grands Appartements, lieux mêmes de représentation du pouvoir monarchique, n’est probablement pas dû au hasard. Louis XIV confia l’agencement de ses jardins, extension magistrale de son château, à un « jardinier » de génie, André Le Nôtre, qu’il honora sa vie durant. Celui-ci dessina un domaine à la (dé)mesure de son monarque, fait de terrasses, de perspectives, de bassins et de fontaines. Les figures mythologiques d’Apollon ou de Neptune, exaltées par la statuaire et les jeux d’eau, semblaient y accueillir ce « Roi-Soleil » dans leur Olympe.

Comme un contrepoint plein d’imprévu, les bosquets, également conçus à l’origine par Le Nôtre, jardins clos délimités par des treillages et des palissades de verdure, réservaient aux invités de marque ou aux visiteurs, voire au roi lui-même, des surprises. Celles-ci pouvaient être visuelles – avec statues, cascades et jets d’eau – ou musicales, voire nocturnes et... pyrotechniques. La commande faite à Cotelle semble avoir donné satisfaction au « plus puissant des rois », alors même que ce dernier était l’auteur d’une Manière de montrer les jardins de Versailles.

« Vue du Grand Trianon prise des parterres, avec Flore et Zéphyr », de Jean Cotelle, après sa restauration. / L. JEDWAB/« LE MONDE »

Le peintre, sans que l’on sache qui du commanditaire royal ou de l’artiste en a eu l’idée, a représenté avec exactitude ces jardins sur de grandes toiles au rare format vertical, qu’il a peuplées de nymphes et de naïades, de monstres et de divinités mythologiques. La précision du miniaturiste et l’éclat des coloris rendaient ainsi justice à cette quintessence de l’art des jardins qu’étaient le parterre de l’orangerie ou les bosquets de Versailles. Mais leur mise en scène picturale – qui rappelle celle de l’opéra – devait aussi flatter ce monarque qui se voulait, pour ses sujets, l’égal des dieux.

A la faveur de l’exposition, qui sert d’écrin au nouvel accrochage permanent, un spectaculaire travail de restauration a permis, grâce au mécénat privé, de redonner tout leur éclat à une douzaine d’œuvres endommagées. La présentation des grands formats (avec les trois toiles commandées aux peintres Etienne Allegrain et Jean-Baptiste Martin, peuplées, elles, de courtisans... en costume d’époque) s’accompagne de gouaches miniatures de Cotelle, dont on ne sait si elles ont précédé ou suivi l’exécution des toiles. Des sculptures en plomb doré qui ornaient, au temps des fêtes royales, des pavillons dans les bosquets, présentées dans l’exposition, sont identifiables sur les toiles. Dont l’inspirateur de Jean de La Fontaine, un certain Esope, fabuliste disgracieux mais au verbe brillant, ou cet Amour joufflu sonnant une trompette (disparue) dans le bosquet de la... Renommée.

« Amours soufflant de la trompette et tenant une couronne royale », en plomb doré, dus au sculpteur François Lespingola. Ils décoraient un pavillon situé dans un des bosquets. / L. JEDWAB/« LE MONDE »

Exposition « Jean Cotelle (1646-1708). Des jardins et des dieux », au Grand Trianon, à Versailles, jusqu’au 16 septembre 2018. Renseignements pratiques sur chateauxversaille.fr/ Catalogue (sous la direction de Béatrice Sarrazin), Liénart/Château de Versailles éd., 240 p., 39 €.